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les trois ensemble ; quand ils avaient vu s’associer à l’intolérance comme aux plaisirs du maître « tout ce qu’il y avait de courtisans infidèles et flatteurs ; » quand ils avaient vu jusqu’aux « héroïnes de Bussi, » — celles de l’Histoire amoureuse des Gaules, — s’enflammer contre eux d’un beau zèle, alors, c’est alors qu’ils avaient pu croire qu’on attaquait en eux la muette protestation de leurs mœurs contre les désordres de cour ; qu’ils étaient les « saints du Seigneur ; » et que leur cause était la cause même de la vérité, de la justice et de la vertu.

Moins graves assurément que les conséquences de la révocation de l’édit de Nantes, celles de l’affaire du quiétisme ne sauraient être pourtant omises dans ce tableau. Catholiques et protestans, Arnauld contre Claude, et Jurieu contre Bossuet ; jansénistes et jésuites, Pascal contre Escobar, et Nicole contre Saint-Sorlin ; gallicans, ultramontains, réguliers, ils avaient fatigué l’opinion de leurs disputes, quand les rêveries d’un barnabite et d’une illuminée vinrent mettre aux prises les deux hommes qui étaient la parure et la gloire de l’Église de France, Bossuet et Fénelon, l’ancien précepteur du dauphin et celui du duc de Bourgogne, le dernier des pères de l’église, et le prélat cher entre tous alors à Mme de Maintenon. On sait ce qu’ils y déployèrent tous les deux d’acharnement et de violence. L’un, Fénelon, y fit preuve de peu de franchise, et l’autre, Bossuet, de peu de charité. Mais tous les deux surtout ils se donnèrent en spectacle au public, et, — comme deux érudits d’Allemagne, ou comme deux beaux esprits de ruelles, — on vit deux évêques lutter entre eux, pour ainsi dire, d’insinuations malignes et d’imputations outrageantes. De quel côté le bon droit était-il ? Il faut bien que ce fût du côté de Bossuet, puisque la cour de Rome, qui ne lui pardonnait pas la Déclaration du clergé de France, finit pourtant par lui donner raison. Bossuet avait la tradition pour lui. Mais ce qui est étonnant, c’est que ni lui ni son adversaire n’aient prévu l’effet de cette querelle de prélats. Quoi ! deux évêques ! et quels évêques ! C’était toute la modération dont ils étaient capables ! tout le pouvoir qu’ils avaient sur eux-mêmes ! Tant de génie et tant de petitesse ! tant de talent et tant d’acrimonie ! Pour important ou capital même que fût l’objet de la querelle, on ne s’expliquait ni cette publicité retentissante donnée à une affaire où l’orthodoxie d’un archevêque était intéressée, ni ces emportemens, ni ces railleries. On en cherchait le secret ; et on le trouvait dans des raisons qui n’étaient pour ajouter ni à la dignité des adversaires, ni au respect de la religion.

Beaucoup de bruit pour peu de chose, disaient volontiers les sceptiques. Et l’abbé Dubos écrivait à Bayle, dans une lettre datée du 1er mars 1697 : « Si cette secte, — celle des quiétistes, — fait