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mains de Louis XIV entre celles du régent. Malplaquet, défaite héroïque, et Denain, glorieuse victoire ; le souvenir attirant de la duchesse de Bourgogne ; les noms de Fénelon et de Beauvilliers, semblent plaider encore pour l’honneur, pour la grâce, et pour la vertu…

Que fait-on cependant du témoignage et de l’accord unanime du théâtre et du roman, des Mémoires et des Correspondances, des moralistes et des prédicateurs ? Et de qui La Bruyère, par exemple, a-t-il parlé dans ses Caractères ? La première édition en est de 1688, et, la dernière qu’il ait revue, de 1696. Quels modèles ont posé devant lui, pour son chapitre des Biens de fortune ou pour son chapitre des Femmes ? Et quel est le vrai nom de ses Roscius et de ses Cobus, de ses Bathylle et de ses Dracon, de ses Lélie et de ses Claudie, de ses Messaline et de ses Césonie ? À qui encore Bossuet en a-t-il, dans ses Maximes sur la comédie, qui sont de 1693, ou Boileau, dans sa Satire des Femmes, qui est de 1694 ? Je ne veux invoquer ici ni les comédies de Dancourt, ni les romans de Le Sage, ni les sermons de Massillon. Mais quelle citation emprunterai-je aux Lettres de la Palatine, Madame, duchesse d’Orléans ? ou quelle anecdote aux Rapports du lieutenant de police d’Argenson ? celle de ce prince de Montlaur qui passe ses nuits à boire « avec des crocheteurs et des porteurs de chaises, dans un cabaret à bière du faubourg Saint-Victor ? » ou celle de l’évêque de Gap, qui emploie les siennes d’une autre manière, et ses jours aussi, avec la demoiselle Loyson ? Je me contenterai d’y renvoyer le lecteur. D’Argenson ne surfait pas, si même il n’atténue parfois. Et, pour la Palatine, tout Allemande qu’elle soit, — et Allemande renforcée, qui accuse volontiers la corruption française des vices du prince de Birkenfeld ou du duc de Wolfenbuttel, — il faut également l’en croire, quand elle écrit de Saint-Cloud, le 31 juillet 1699 : « Il n’y a plus ici de vices dont on ait honte ; et si le roi voulait punir ceux qui se rendent coupables des plus grands vices, il ne verrait plus autour de lui ni nobles, ni princes, ni serviteurs, et il n’y aurait même plus aucune maison de France qui ne fût en deuil. » Au cas pourtant que l’on voulut des renseignemens plus détaillés, nous en avons, comme on dit, les mains pleines, et si peut-être, en tout temps et partout, les libertés que l’usage accorde ou refuse aux femmes sont une assez juste mesure du degré de sévérité ou « d’avancement » des mœurs, voici une ou deux historiettes qui achèveront d’édifier le lecteur.

Charlotte Rose de Caumont de La Force, fille de François de Caumont, marquis de Castelmoron, et de Marguerite de Vicose de Casenove, était née en 1650, au château de Casenove, près Bazas, dans le département actuel de la Gironde. Elle devait beaucoup