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d’Ormoy, sommes convenus que moy dit Des Aulnez, promets audit seigneur d’Ormoy de luy faire obtenir une lettre de cachet du roy, portant ordre de faire enfermer dans un couvent la femme dudit seigneur d’Ormoy, et ce, dans le tems de quinze jours, et moy dit seigneur d’Ormoy promets audit seigneur Des Aulnez luy payer un mois après le jour qu’il m’aura remis ladite lettre, la somme de quatre cents livres pour les peines, soins et négociations ; en foy de quoy nous avons signé le présent, ce jour d’huy. À Paris, escrit ce 12 avril 1692. Signé : d’Ormoy, Des Aulnez. »


Sans la vigilance du lieutenant civil, la prisonnière serait demeurée longtemps sous les verrous. Aventure semblable est celle d’un aubergiste appelé Curieux, que sa femme fit saisir et enfermer par un archer, son amant. Le hardi compère s’empara du mari, l’écroua à Bicêtre, sous prétexte de lettre de cachet et ne le quitta qu’après l’avoir vu derrière une porte solidement fermée. Et quand, plus tard, on lui demanda en vertu de quel pouvoir il avait agi, il répondit vaillamment avoir reçu un ordre verbal du magistrat. Telle encore, l’histoire d’un compagnon doreur, nommé Gillet, qui fut enfermé à Bicêtre, la plus horrible des prisons, où il demeura six mois, parce qu’il avait une femme qui ne l’aimait pas et qui aimait un exempt de robe courte. Il est des faits dont la lecture impressionne davantage encore. Voici l’histoire d’une pauvre aveugle qui fut, après la mort de son mari, cloîtrée dans un couvent. Les parens du mari en avaient obtenu l’ordre du roi, sous prétexte qu’elle cherchait à s’enrichir des dépouilles du défunt, en réalité dans le dessein où ils étaient de s’en emparer eux-mêmes. La supérieure du couvent de Charonne, où Mme de Morsant avait été mise, venait de recevoir de nouvelles instructions lui faisant défense, de la part du ministre, de laisser dorénavant sortir sa prisonnière sous quelque prétexte que ce fût ; elle répondit : — « Monseigneur, l’estat malheureux où se trouve Mme de Morsant m’oblige à vous importuner pour vous supplier très humblement d’avoir compassion de sa misère, et de luy permettre qu’elle sorte de notre maison, où elle est depuis la mort de son mary, pour vacquer à ses affaires, et pour tirer quelque chose de ce qui peut luy estre légitimement deu pour sa subsistance et celle de son fils. Je puis vous dire, monseigneur, qu’elle est réduite dans une telle extrémité qu’elle n’a pas seulement de quoy payer sa pension. C’est un très grand malheur pour elle que l’on croie qu’elle s’est enrichie des dépouilles de feu monsieur son mary ; mais je puis assurer Votre Grandeur qu’elle a esté assés simple pour n’avoir tiré aucun avantage de ce costé et que, bien loin d’en avoir profité, elle y