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et sa femme ; Jean Cochet, gazier ; Catherine Lallemand, veuve de Pierre Darville, dit La Joye, dévideuse de soie ; Marguerite Regnaud, femme d’un maître praticien ; Louise Paillard, gazière ; Louise Macomble, veuve d’un compagnon brasseur, et Antoine Macomble, gazier, voisins ou locataires des immeubles où logent Jean Foulard et son amie, joignent leurs plaintes à celles de M. et Mme Petit, et ont également signé la requête, à l’exception de deux ou trois d’entre eux qui ne savent pas écrire. Berryer ne se décida qu’après avoir fait recommencer l’enquête par le commissaire Lemaire. Celui-ci conclut : — « Suivant l’information, Jean Foulard et Marie Boutillier mènent une vie fort scandaleuse et toutes les remontrances que le curé de Saint-Médard leur a faites n’ont pu les engager à changer de conduite. » — Les lettres de cachet, pour enfermer le jeune homme à Bicêtre et la jeune fille à la Salpêtrière, furent délivrées par le comte d’Argenson le 22 mars, mises à exécution le 1er août 1751.

Après quelques mois de détention dans la maison de force, la jeune fille adressa au magistrat une supplique très touchante, implorant son pardon et la liberté. La famille en eut connaissance et protesta. Cette famille se composait de : François Macomble, fabricant de gaze, et sa femme, beau-frère et sœur de la prisonnière ; Marc Houdry, maître cordonnier à Paris, et sa femme ; Fr. Billiard, vigneron à Fontenay, et sa femme, oncles et tantes : — « Toute la famille ont l’honneur de supplier humblement Votre Grandeur de leur accorder la grâce de faire retenir à l’hôpital ladite Marie Boutillier, comme un mauvais sujet, ayant tout apparence qu’elle recommencera sa vie libertine. » — En date du 18 décembre 1751, deuxième placet : — « Dans la crainte qu’ils ont qu’elle ne se replonge dans la débauche et ne les déshonore, ils supplient très respectueusement Votre Grandeur de ne point lui accorder sa liberté. » — Un troisième placet est du 23 mars 1752 : — « Elle ne seroit pas plus tôt sortye qu’elle recommenceroit sa vie libertine, au grand scandale de la famille. » — Berryer écrit au revers : — « Sa famille s’oppose à sa liberté, joindre au dossier pour représenter à la visite. »

Sur ces entrefaites, « J.-B. Foulard, vingt-deux ans, garçon cordonnier, » avait, avec l’autorisation du lieutenant de police, pris service dans l’armée ; il était sorti de prison, et bientôt Berryer reçut de lui une supplique pour la mise en liberté de sa jeune amie. Foulard expose que, s’il a recueilli chez lui Marie Boutillier, orpheline de père et mère, c’était dans les vues du mariage, il ajoute que « comme leur amitié avoit été sincère, la jeune fille étoit accouchée d’un fils, » qui avait été baptisé au nom de son père dans l’église