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dépendances de la succession de M. le chevalier d’Hautefort. » Ce particulier représentait que « le nommé Jean Foulard, soldat réformé des gardes françaises, menoit une vie scandaleuse avec la nommée Marie Boutillier, » que tout le voisinage en était indigné et que le curé de Saint-Médard lui-même, « par un zèle vraiment pastoral, » faisait des vœux pour que « l’autorité du roi retranchât ces brebis galeuses de son troupeau. » L’abbé Hardy, curé de Saint-Médard, appuie cette requête : — « J’ay l’honneur de certifier que Foulard et Marie Boutillier, tous deux mineurs, tiennent une conduite qui scandalise et révolte tout le quartier, et ne veulent recevoir avis de personne, ny se séparer. » — L’affaire fut renvoyée à l’inspecteur Roussel pour « s’en informer et en rendre compte. » Celui-ci rédigea son rapport en même temps que le commissaire du quartier, le 2 février 1751 ; l’un et l’autre tendent aux mêmes conclusions : — « Les faits contenus dans le mémoire sont véritables et les particuliers dont l’on se plaint portent dans le quartier un scandale considérable, vivant ensemble comme mary et femme, ce qui donne de mauvais exemples à la jeunesse des environs. » — Les deux officiers de police estiment finalement qu’il serait convenable, « sous le bon plaisir du magistrat, » de faire arrêter Foulard, de le forcer à s’engager dans un régiment, et quant à Marie Boutillier, « de lui donner telle punition qui seroit jugée à propos. » Berryer, alors lieutenant de police, apportait dans l’exercice de ses redoutables fonctions une bonté et une indulgence dont les contemporains ont souvent rendu témoignage. Il préféra fermer les yeux jusqu’à ce que de nouvelles plaintes vinssent à se produire. Celles-ci ne se firent pas attendre. C’est un nouveau placet du terrible M. Petit, contresigné cette fois par la famille de la jeune fille. « Monseigneur, c’est toute la famille de ladite Boutillier qui se joint au sieur Petit et qui supplie Votre Grandeur de leur accorder un ordre pour être enfermée à la maison de force. C’est la grâce que cette famille attend de votre bonté qui, à juste titre, est le conservateur de l’honneur des familles. » — Ce placet avait été dicté à Un écrivain public, ainsi qu’on en peut juger par l’écriture ; mais les signatures autographes témoignent de la condition sociale à laquelle appartenaient ces braves gens : François Billiard « ocquele, » Nicolas Frangel « cusen, » François Royé « cousien, » Jacques Macomble « tuteur. » Cependant Berryer hésitait encore, aussi le 12 février reçut-il une nouvelle plainte : — « Monsieur le curé de Saint-Médard a fait tous ses efforts pour déterminer les jeunes gens à se marier ensemble ou à se séparer et à changer de vie ; mais loin d’entrer dans ses sages remontrances, ils continuent de vivre en mauvais commerce. » — Pierre Bercion, soldat-invalide,