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ont signé l’engagement de veiller sur sa conduite et François Ollivier celui de rompre toute relation avec elle. » — Les portes de la prison s’ouvrirent. La lieutenance de police n’entendit plus parler ni de Mlle Bourgeois, ni de maître Ollivier. La prospérité rentra dans la parfumerie de la rue Comtesse-d’Artois, et la bonne entente dans le ménage de François Ollivier.

Les archives de la Bastille fournissent en grand nombre des monographies d’ordres du roi exactement semblables à celle qui précède. Celle-là peut suffire à montrer que l’expédition d’une lettre de cachet était entourée, à Paris, d’une procédure assez compliquée, qui n’était pas, à vrai dire, rigoureusement nécessaire, mais que la coutume imposait. En voici cependant d’autres exemples. Une nommée Catherine Randon avait été enfermée à l’Hôpital. M. Menjol, auditeur à la chambre des comptes, envoya à la lieutenance de police une protestation qui se résumait en ces termes : 1° dans l’information de vie et mœurs qui fut faite au sujet de la prisonnière, M. Lemoine, principal locataire de la maison, rue Bourtibourg, où elle demeurait depuis dix-huit mois, n’a point été entendu, ni aucun des voisins de la même rue ; 2° avant d’être frappée d’une lettre de cachet, la prisonnière n’a point été mandée devant le curé de Saint-Paul sur la paroisse duquel elle demeurait ; 3° l’ordre du roi qui aurait dû être exécuté par l’inspecteur Bourgoin ne l’a été que par l’un de ses commis, sans que l’on appelât un commissaire et sans que les formalités requises en pareil cas fussent remplies. Catherine Randon fut mise en liberté. Le 22 juin 1721, une demoiselle Leclerc lut enfermée à la Salpêtrière : elle était en prison depuis quinze jours, que le lieutenant de police reçut un placet commençant par ces mots : — « Monsieur, comme il n’est point d’exemple et qu’il est contre les ordonnances et règles, et même contre les lois, de faire enfermer une femme, sur la déposition d’un seul particulier, et que l’ordre (lettre de cachet) sur ce fait exige le scandale, la plainte des voisins et même du curé, on a cru devoir vous représenter que l’abbé de Maignas a surpris votre religion au sujet de la nommée Leclerc. » — Celle-ci fut mise en liberté.

Mais, s’il est vrai que l’expédition d’une lettre de cachet exigeait à Paris une procédure et des formalités que la tradition avait rendues régulières et fixes, il est également vrai que toute cette procédure demeurait secrète. Voilà le plus grave reproche que l’histoire doive formuler contre cette institution. Or, chose curieuse, ce caractère secret de la procédure et des formalités qui entouraient l’expédition d’un ordre du roi ne constituait pas seulement aux yeux des contemporains l’excuse des lettres de cachet, il en