Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre Savary. Des gardes du corps assaillirent à coups de sabre, en plein jardin du Palais-Royal, le capitaine de gendarmerie Plusdorff parce qu’il avait coopéré, étant maréchal des logis, à l’arrestation du duc d’Enghien. Exelmans dénonça à Soult un complot de royalistes que Wellington avait, de son côté, mentionné dans une lettre à lord Castlereagh. Le maréchal Lefebvre dit plus tard qu’il avait vécu six mois « sous le poignard des chouans. » Enfin Carnot, — Carnot qui n’était pas apparemment homme à s’effrayer pour rien, — resta debout et armé toute la nuit du 21 au 22 janvier. Ransonnet, l’avocat Descoutures et une dizaine d’officiers supérieurs en retraite ou à la demi-solde, qui s’étaient donné rendez-vous dans la maison de la rue Saint-Louis, dont l’escalier fut barricadé, veillèrent avec lui, disposés à une défense énergique. Tant d’indices et de témoignages prouvent que si ces craintes d’assassinats, propagées avec une persistance singulière par la rumeur publique, étaient fort exagérées pour la nuit même du 21 janvier, elles n’étaient point, d’une façon générale, tout à fait imaginaires.


V

Les tumultueuses obsèques de Mlle Raucourt et l’émotion provoquée par l’anniversaire du 21 janvier n’avaient pas fait oublier l’affaire d’Exelmans. Un Mémoire justificatif, rédigé par Comte en forme de réquisitoire contre Soult, venait de paraître dans le Censeur, dont un tirage à part se distribuait gratuitement chez le portier du général. Le 25 janvier, on apprit qu’Exelmans avait été acquitté à l’unanimité par le conseil de guerre, et qu’à la sortie de l’audience le peuple de Lille, qui passait cependant pour très royaliste, l’avait porté en triomphe[1]. Cette nouvelle fit une

  1. Exelmans comparut le 23 janvier devant le premier conseil de guerre permanent de la 16e division militaire, présidé par Drouet d’Erlon. Parmi les juges, il y avait les généraux Teste et Dubreton. Le rapporteur déclara qu’un seul des cinq chefs d’accusation, celui de désobéissance, lui paraissait digne de quelque attention ; encore conclut-il sur ce point, comme sur les quatre autres, à l’acquittement du général.