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titulaire depuis la mort de Malouet, et, sur l’avis du comte d’Artois, il mit Dandré à la police. Ancien constituant, promoteur de la loi martiale, émigré en 1792, Dandré était rentré clandestinement à Paris en 1797, s’était mêlé aux conspirateurs de Clichy, puis avait été le conseil de Louis XVIII jusqu’en 1809.

En même temps qu’il déplaçait Beugnot, le roi remplaça Dupont. Avant son entrée dans le cabinet, Dupont était généralement méprisé par l’armée, qui se souvenait de Baylen : au ministère, il n’avait rien fait pour reconquérir son estime. Il avait réduit les effectifs, mis dix mille officiers à la demi-solde, contresigné de scandaleuses nominations dans la Légion d’honneur ; il avait souffert la création des compagnies rouges, l’intrusion dans les cadres de chouans et d’émigrés, la réorganisation aristocratique de l’école militaire, le licenciement des invalides, la suppression des maîtres de la Légion d’honneur[1] ; enfin il n’avait pas su obtenir l’exécution de l’ordonnance royale du 1er juillet relative au paiement des sommes dues aux officiers, sous-officiers et soldats pour leur solde arriérée. D’un autre côté, malgré son inlassable complaisance envers les protégés des Tuileries, Dupont était attaqué par les royalistes. Ils lui reprochaient de manquer de fermeté, l’accusaient de ne point vouloir sévir et le rendaient responsable du mauvais esprit de l’armée. Louis XVIII hésitait néanmoins à se séparer d’un ministre de la guerre d’un commerce si facile, toujours prêt à devancer ses désirs, lorsque le 13 octobre une pétition qui dénonçait Dupont pour avoir prévariqué dans l’adjudication de fournitures de vivres lut portée à la chambre. Les députés votèrent l’ordre du jour, mais un ministre de la guerre ne doit pas être soupçonné, surtout quand pèse sur lui le souvenir d’une capitulation en rase campagne, signée, a-t-on dit, pour sauver dans ses bagages personnels un million en or et en argent[2]. D’ailleurs, des nouvelles de Vienne où se négociait une alliance entre la France, l’Autriche et l’Angleterre, faisaient prévoir, sinon la guerre, du moins la nécessité d’une mobilisation. Il importait que le ministère fût en de meilleures mains. Dupont reçut comme dédommagement une pension de 40,000 francs et le gouvernement de la 22e division militaire.

  1. Comme on l’a vu, ces ordonnances furent rapportées ou modifiées, grâce à la chambre des députés, mais elles n’en avaient pas moins été publiées sans que Dupont y eût fait opposition.
  2. Extrait de la Gazette de Madrid du 9 octobre 1808, et note de l’empereur jointe à l’extrait. (Archives de la guerre, armées d’Espagne.) — L’article 11 de la capitulation de Baylen stipulait en effet que les officiers-généraux conserveraient une voiture et un fourgon « sans être soumis à aucun examen. » Mais est-ce une raison suffisante pour accuser Dupont ?