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si exact que puisse être un pareil calcul, il ne saurait s’imposer comme probant. Il ne suffit pas en effet d’établir la résultante du temps d’arrêt que subissent les transactions commerciales, il faut déterminer celle de la production agricole, manufacturière et industrielle, celle qu’accusent les publications des 3,577 banques nationales et des A,500 banques d’État ou particulières, opérant sur un capital de 9,770 millions de francs, dépositairesde7,625 millions en comptes-courans ; il faut en déduire ce qui n’est qu’opérations ajournées, reprises au lendemain de la crise. Le problème est singulièrement compliqué et, seul, un petit nombre d’hommes, aux États-Unis, était à même de le résoudre.

L’un des plus compétens, à coup sûr, était M. Chauncey M. Depew. Financier émérite, industriel de premier ordre, président de l’une des plus grandes compagnies de chemin de fer, ses aptitudes multiples, son expérience consommée et sa grande position de fortune le désignaient comme le plus apte peut-être à élucider et à résoudre la question. Elle lui fut soumise par le New-York Herald, et sa réponse fut des plus nettes. « Le coût d’une élection présidentielle, dit-il, est énorme. Il dépasse incalculablement les prévisions les plus hardies des fondateurs de la république et, tous les quatre ans, ce coût s’accroît. Il résulte de mes constatations que, pendant la campagne électorale, nombre de manufactures chôment, toute expansion, tout mouvement en avant cesse. L’industrie, le commerce, l’agriculture, se contractent, se replient sur eux-mêmes, dans l’attente de l’orientation économique que déterminera l’élection. Des calculs que j’ai faits, il résulte qu’en temps normal, pendant la période correspondante à celle de la crise présidentielle, le montant des transactions intérieures de toute nature s’élève à 5 milliards de dollars (25 milliards de francs). Je n’estime pas que le déficit afférent à la crise politique intérieure soit inférieur à 10 pour 100 de ce total ; c’est, selon moi, une somme de 500 millions de dollars que la période du renouvellement des pouvoirs présidentiels coûte actuellement à l’Union américaine[1]. »

Consultés à leur tour, les présidens des chambres de commerce n’ont pas été moins explicites. Par des voies différentes ils arrivent à des chiffres plus élevés, faisant entrer en ligne de compte la perte de salaires encourue par les employés et ouvriers qui désertent le comptoir ou l’atelier pour assister aux réunions électorales et prendre part aux manifestations publiques. Les appréciations des financiers, des rois de l’argent, diffèrent de peu. J. Gould se refuse toutefois à préciser un chiffre. « La perte est énorme, dit-il ; elle affecte sérieusement l’industrie nationale et la circulation

  1. Voyez le New-York Herald du 14 novembre 1888.