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gestion sera constamment critiquée. » Et Williamson, qui appuie cette motion, ajoute : « Une élection présidentielle coûte cher ; il n’y a pas lieu de la répéter fréquemment. Puis, il peut arriver que les hommes les mieux qualifiés pour exercer le pouvoir se refusent à le briguer pour un terme trop court, qu’ils se tiennent à l’écart et soient remplacés par des ambitieux. »

On s’arrête au terme de six années contre lequel l’État du Delaware est seul à voter. Nouvel ajournement, nouveaux débats ; Williamson revient à la charge ; il réclame sept années, mais ne veut pas d’un second mandat. « Si le président est rééligible, dit-il, il fera tout pour se maintenir en place, sa vie durant, et pour transmettre le pouvoir à son fils. Je crains fort qu’un jour ou l’autre nous n’en revenions forcément au régime monarchique, mais notre devoir est de retarder, autant que faire se peut, cette éventualité ; une des premières conditions est de rendre le président non rééligible. Si cette restriction est adoptée, je n’ai plus d’objections à voter pour sept ou même dix ou douze années. » Ces argumens ébranlent la convention ; elle semble disposée à suivre Williamson dans la voie où il s’engage. Gerry appuie sa motion ; Alexander Martin propose de fixer la durée des pouvoirs à onze années ; Gerry renchérit et suggère quinze, King demande vingt. Mais Morris intervient ; il plaide avec chaleur et conviction en faveur d’un court terme et d’un mandat renouvelable. « Vous proposez, dit-il, de remettre au président le pouvoir pour quinze ou vingt ans, mais c’est mal connaître la nature humaine de croire qu’il vous suffit de déclarer qu’il ne pourra être réélu. Quelle est votre sanction ? Pensez-vous qu’après avoir exercé la magistrature suprême pendant un aussi long terme, il se résignera plus facilement à redevenir un simple citoyen ? Il aura tôt fait de tourner l’impuissant obstacle que vous croyez lui opposer. Chef de l’armée, il se refusera à quitter le pouvoir ; ce sera la guerre civile, et je vous prédis que, ce jour-là, le vainqueur, quel qu’il soit, deviendra le maître, et votre république aura vécu. »

Les argumens de Morris l’emportèrent, mais ce ne fut que le 4 septembre, après plus de quatre mois de discussions, que la question fut enfin tranchée. À l’unanimité, moins le vote de la Caroline du Sud, la convention décida que le président serait nommé pour quatre ans et serait rééligible.

On voit combien, sur cette question vitale, ces hommes si décidés se montrent indécis. Ils hésitent et tâtonnent ; ils votent dans un sens, puis dans un autre, selon la préoccupation du moment. Aussi la loi qu’ils édictent, après des tergiversations nombreuses, a-t-elle, malgré la consécration du temps, un caractère provisoire aux yeux de beaucoup d’hommes politiques aux États-Unis. Ils