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à se faire un nom, une réputation, à se créer dans leur État une clientèle politique qui les envoie parfois siéger et défendre ses intérêts dans l’assemblée législative d’État, étape naturelle pour parvenir au congrès.

Ils ne sont pas payés, ouvertement du moins. Ils sont inféodés à un parti et le servent, en apparence, par conviction. Mais leurs frais de voyage et de séjour sont calcules de manière à les satisfaire et à largement rémunérer leurs services. Ils reçoivent, en outre et sous main, des gratifications particulières des sénateurs, des représentans, des hommes politiques de leur parti, dont, dans leurs discours, ils préconisent le patriotisme et les talens, dont ils rappellent les services rendus, autant de jalons posés pour une élection future au congrès, aux fonctions locales importantes.

Non plus bruyamment, mais discrètement, les agens secrets, les informers du parti, opèrent et manœuvrent. Leur mission consiste à surveiller les agissemens de leurs adversaires, à noter les infractions aux lois électorales pour, en cas d’insuccès, faire invalider le résultat. Les agens secondaires sont choisis parmi les résidens du district, mais les principaux sont, le plus souvent, des inconnus dans la localité. Ils contrôlent les renseignemens de leurs subordonnés, mais ne s’en fient qu’à eux-mêmes pour les questions importantes ; ils correspondent directement avec le comité d’État, le renseignent, autant sur le bon fonctionnement de ses agens locaux que sur les manœuvres des agens du parti opposé dont ils cherchent à pénétrer la tactique et les secrets. « Ils se surveillent de si près, dit un rapport au comité central, que tout achat de vote est virtuellement impossible, et il y a tant de bavards autour des comités locaux que c’est tentative vaine de tenir secrètes les instructions qu’on leur envoie. Les communications qu’il importe au comité central de ne pas laisser connaître à ses adversaires ne doivent pas dépasser le comité d’État, et là, encore, elles courent grand risque d’être divulguées ou surprises. Le président seul de ce comité en doit être informé. Le président modèle d’un comité d’État, ajoute le rapporteur, ne parle pas et ne se laisse jamais interviewer par les journalistes. Tel fut le sénateur Quay, le type achevé des présidens de comité. Il était muet sur l’ensemble de ses plans ; il était inabordable aux questionneurs ; il excellait dans l’art de les renvoyer, sans les blesser, à ses subordonnés qui, ne sachant rien, ne pouvaient rien révéler. »

Dans la campagne actuelle, ces informers ont déjà rendu de sérieux services. « Il est aujourd’hui parfaitement avéré, écrit le New-York Herald du 24 août dernier, que le sénateur Hill et le lieutenant gouverneur Sheehan ont connaissance du plan de campagne secret du président Carter et du comité central républicain,