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veuves et aux enfans des tués. Rien ne prouve mieux que l’examen des chiffres combien cette création, en apparence tout humanitaire, a rapidement dévié de son objet pour devenir une institution politique destinée à rémunérer des services politiques. De 1861 à 1864, le montant des pensions payées aux ayans-droit n’excède pas 5 millions par an. Le 9 avril 1865, la lutte est terminée par la reddition de Lee. À mesure que l’on s’éloigne de la période de la guerre et que, par conséquent, les extinctions doivent se produire, les chiffres grossissent et les demandes s’accroissent. On débourse 20 millions en 1864, 120 millions en 1868, 285 en 1881, 400 en 1888, date de l’avènement de M. Harrison et du parti républicain au pouvoir, 500 millions en 1890, 600 millions en 1891 ! À qui faire admettre que, vingt-six ans après une guerre dans laquelle les armées de l’Union n’ont jamais eu plus d’un million d’hommes sous les armes, il puisse rester, déduction faite des non-blessés, 676,160 combattans invalides ou veuves de combattans ? À qui faire comprendre que le nombre des pensionnés, qui s’élevait à 198,666 en 1870, atteigne en 1891, vingt-six ans après la guerre, le chiffre de 676,160 et que celui des postulans, pour 1891 seulement, dépasse 363,000[1] ? La loi du 27 juin 1890, qui a singulièrement élargi les cadres des pensions militaires, a été surtout dictée par des préoccupations électorales, et l’enquête faite, sous la pression de l’opinion publique, par une commission du congrès, sur les agissemens du général Raum, directeur du Bureau des pensions, a montré ce qu’était devenue, entre les mains des partis, cette œuvre de réparation[2].


II

Au-dessous du comité central, lequel réunit les renseignemens, encaisse et débourse l’argent, fonctionnent les comités d’États, présidés par les hommes les plus populaires et les plus influens du parti dans chaque État. Chacun de ces États, avons-nous dit, dispose d’un nombre de votes électoraux égal au nombre total de sénateurs et de représentans qu’il nomme au congrès. Ce nombre varie avec l’accroissement de la population ; il était de 328 en 1872, de 369 en 1876, de 401 en 1888 ; il sera, en 1892, de 444, et le candidat élu devra en réunir 223. Ces votes électoraux se répartissent inégalement entre les États. Les uns, comme l’État de New-York, disposeront, de par la loi de répartition du 7 février 1891,

  1. Pension Officiai Statistics, 1892.
  2. Reports of Special Comittec of Congress, 1892.