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et en faire cette manière de trotter si gracieuse et si commode qui est pratiquée aujourd’hui par quelques rares écuyers français.


II

Nous avons vu que depuis La Broue et Pluvinel, on avait fondé, en France, de nombreuses académies d’équitation. Il y en avait à Metz, Besançon, Cambrai, La Flèche, Angers, Caen, Lunéville, Saint-Germain, etc. Duplessis-Mornay, l’ami et le confident d’Henri IV, avait créé, à Saumur, l’Académie protestante. Vers 1764, on avait construit dans cette ville, pour les carabiniers, le magnifique manège qui est actuellement celui des écuyers. En 1771, Saumur devint, pour la première fois, école de cavalerie.

Le manège de Versailles conservait néanmoins tout son prestige ; ceux qui prétendaient que l’enseignement y était trop « académique » pour l’armée n’ont pas réfléchi que si l’équitation militaire n’a pas besoin d’être aussi savante, elle est basée sur les mêmes principes que celle de l’École et que, pour pouvoir bien enseigner les élémens d’un art, il faut que les maîtres en connaissent à fond toutes les ressources.

La supériorité éclatante du marquis de La Bigne et du chevalier d’Abzac était reconnue par tous leurs contemporains. Les d’Abzac, tout en suivant les principes de La Guérinière, avaient compris la nécessité de les modifier pour les adapter à une équitation plus large, que rendait nécessaire l’introduction des chevaux anglais ; mais ils voulaient que les allures devenues plus rapides fussent toujours souples et bien réglées, que le cavalier, sachant se lier à tous les mouvemens de l’animal, restât toujours correct dans sa tenue et dans ses moyens de conduite ; en un mot, ils avaient des idées absolument justes sur l’équitation telle qu’elle devrait être enseignée aujourd’hui même.

Lors de la Révolution, toutes les institutions hippiques furent supprimées, et, à partir de ce moment, le désordre régna de plus en plus dans l’enseignement. L’École de Saumur disparut comme celle de Versailles, comme toutes les autres, et ne fut réorganisée qu’à la fin de l’Empire. Dès le mois de septembre 1796, l’École de Versailles fut rétablie sous le nom d’École nationale d’équitation. Elle était à la fois civile et militaire. Chaque régiment pouvait y envoyer un officier et un sous-officier : — « Ce n’était plus, dit le comte d’Aure, le manège académique des temps passés, chargé de conserver les vieilles traditions en développant le progrès ; il ne s’agissait plus que de former à la hâte des instructeurs pour nos régimens. Coupé, Jardin, Gervais et quelques autres débris du manège de Versailles furent mis à la tête de cette nouvelle