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à son ouvrage une partie qui se rattache plutôt à l’art vétérinaire et dont il confia la rédaction à un médecin de la Faculté de Paris qui, dit Grognier, « se contenta de copier Solleysel et répéta des erreurs et des absurdités cent fois répétées déjà. »

Après La Guérinière, il n’y avait plus qu’à confier à un comité d’écuyers le soin de conserver la méthode, d’en élaguer ce qui pouvait être superflu ou erroné et d’y ajouter, avec la plus grande circonspection, les innovations utiles qui pourraient se produire. Malheureusement on ne songea pas à cela : chacun interpréta et appliqua à sa guise les préceptes du maître ; ce fut à qui, parmi les écuyers qui lui succédèrent, produirait des méthodes soi-disant nouvelles, compliquerait les difficultés en discutant ceci, transformant cela, ajoutant sans cesse des procédés d’une efficacité plus ou moins démontrée. Ils prétendirent appuyer leurs systèmes sur des sciences qu’ils ne possédaient eux-mêmes, cela va sans dire, que très imparfaitement et dont les théories d’ailleurs ne peuvent trouver leur application exacte dans la pratique de l’équitation ; et c’est ainsi qu’ils s’égarèrent de plus en plus sous prétexte de progrès. La vanité, qui exerce un si grand empire sur les artistes en général et sur les écuyers en particulier, fut certainement la cause principale de toutes les rivalités qui, dès lors, ne cessèrent de diviser les maîtres, chacun semblant avant tout désireux de faire reconnaître sa propre supériorité.

Jusqu’à la révolution, l’académie de Versailles fut universellement reconnue pour la première du monde. C’est là que, depuis le commencement du règne de Louis XIV, les rois et tous les princes de France firent leur éducation équestre, là que furent le mieux conservés les préceptes de La Guérinière et que l’on accueillit plus tard, dans une juste mesure, les modifications que rendaient nécessaires la transformation des chevaux et la plus grande rapidité des allures. L’enseignement de Versailles rayonnait non-seulement sur toute la France, mais encore sur toute l’Europe. La charge du grand-écuyer était une des plus considérables de la cour. Les écuries du roi étaient séparées en deux bâtimens, l’un pour les chevaux de manège et de guerre et pour les chevaux de selle et de chasse, l’autre pour les chevaux de carrosse. M. le Grand vendait toutes les charges de la grande et de la petite écuries. Nul maître ne pouvait ouvrir une académie sans sa permission et sans des lettres l’autorisant à prendre pour son école le nom d’académie royale. Le manège de Versailles était alors le véritable temple de l’art équestre ; le silence y régnait pendant les leçons ; toutes les règles de la plus exquise politesse y étaient observées comme dans les salons du palais ; il reste, aussi bien pour la bonne tenue