Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/654

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lesquelles qualitez se rencontrant en un homme, on le pourra véritablement estimer bon homme de cheval. »

De nouveaux traités furent bientôt publiés par MM. de Menou, de Solleysel, de Birac, de Beaumont, Delcampe, Gaspard de Saunier.

Mais ce fut La Guérinière qui, le premier, institua l’enseignement vraiment méthodique de l’équitation. Praticien hors de pair, il ne pensait pas, comme nos modernes sportsmen, que la théorie est inutile. Élève lui-même de M. de Vandeuil, dont la famille tint pendant plus d’un siècle l’académie royale de Caen, La Guérinière comprit la nécessité d’une méthode écrite, et il l’écrivit dans une langue claire, correcte, élégante, qui montre la pondération de son esprit, sa grande expérience pratique, les ressources de son savoir. Ce livre est une œuvre admirable, dont toutes les parties s’enchaînent avec ordre et qui est rempli de vérités auxquelles le temps ne pourra rien changer. Dans le premier chapitre de la seconde partie, intitulé : Pourquoi il y a si peu d’hommes de cheval, et des qualités nécessaires pour le devenir, La Guérinière dit : « Toutes les sciences et tous les arts ont des principes et des règles par le moyen desquelles on fait des découvertes qui conduisent à la perfection. La cavalerie est le seul art pour lequel il semble qu’on n’ait besoin que de pratique ; cependant la pratique dépourvue de vrais principes n’est autre chose qu’une routine, dont tout le fruit est une exécution forcée et incertaine, et un faux brillant qui éblouit les demi-connaisseurs, surpris souvent par la gentillesse du cheval plus que par le mérite de celui qui le monte. De là vient le petit nombre de chevaux bien dressés et le peu de capacité qu’on voit présentement dans la plupart de ceux qui se disent hommes de cheval.

« Cette disette de principes fait que les élèves ne sont point en état de discerner les défauts d’avec les perfections. Ils n’ont d’autre ressource que l’imitation, et malheureusement il est bien plus facile de tourner à la fausse pratique que d’acquérir la bonne…

« Le sentiment de ceux qui comptent pour rien la théorie dans l’art de monter à cheval ne m’empêchera point de soutenir que c’est une des choses les plus nécessaires pour atteindre à la perfection. Sans cette théorie, la pratique est toujours incertaine. Je conviens que, dans un exercice où le corps a tant de part, la pratique doit être inséparable de la théorie, puisqu’elle nous fait découvrir la nature, l’inclination et les forces du cheval ; et, par ce moyen, on déterre sa ressource et sa gentillesse ensevelies, pour ainsi dire, dans l’engourdissement de ses membres. Mais, pour