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conversation par une brillante repartie. » — La mère est tout à fait reléguée à l’arrière-plan, non par manque de tendresse, mais parce qu’elle ne serait nullement à sa place dans le tourbillon. Les journaux annoncent que « Miss X. a eu, lundi, une réception, où elle était secondée (assisted) par sa mère. »

New-York est nécessairement plus cosmopolite que les autres villes des États-Unis où, quel que soit le nombre des habitans étrangers, les façons de vivre américaines prédominent. De plus en plus, New-York devient européen ; le camp opposé appelle volontiers Anglomaniacs ceux qui s’étudient à imiter les manières, les habitudes, les vêtemens, le langage de leurs cousins d’Europe. Pour ce qui est de la langue, il y a des mots, des formes qui appartiennent en particulier à chaque état, d’autres qui sont communes à tous ; tel participe passé, emprunté par la Nouvelle-Angleterre à ses ancêtres puritains et que l’on n’entend jamais dans l’Ouest, tels pléonasmes caractéristiques, tels termes curieusement détournés du sens qu’ils ont en anglais : par exemple I guess, je devine, pour je crois ou je suppose ; reckon, compter, ou calculate, pour penser, think ; conclude, conclure, au lieu de resolve, décider ; tear down, arracher, mettre en pièces, au lieu de pull down, abattre, quand il s’agit de démolir une maison.

Le Bostonien parle, règle générale, comme l’Anglais le mieux élevé, l’Anglais, bien entendu, qui ne sacrifie pas à l’argot fashionable, et, si ce n’était la prononciation d’un mot par-ci par-là, il serait presque impossible de reconnaître sa nationalité. On a dit beaucoup de sottises sur la haute culture et le pédantisme bostoniens. Il est vrai que dans cette ville intéressante il existe une activité d’esprit qui parfois s’égare et accorde un peu trop d’importance à des formes discutables de bouddhisme ésotérique par exemple ; mais l’humour américain a vite raison de ce qui est oiseux ou ridicule. La forteresse même du prétendu pédantisme féminin, le collège de Wellesley où sept cents jeunes filles reçoivent les leçons des plus éminens professeurs dans toutes les branches du savoir, n’a nullement l’apparence d’une pépinière de bas-bleus. Le bâtiment principal et le parc qui l’entoure sont la donation d’un père qui employa sa fortune, après la mort de son unique enfant, à fonder cet établissement magnifique. Moyennant six cents livres sterling par an, chaque pensionnaire peut, selon ses aptitudes, étudier les sciences, les lettres ou les arts, se préparer à devenir une de ces institutrices demandées de tous côtés dans un pays neuf, ou à gagner sa vie de quelque autre façon. Il est sorti de Wellesley-College des docteurs, des collaboratrices aux journaux quotidiens