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des vacances et forcer ainsi les portes de l’École centrale. De cette façon, ses études se poursuivront sans interruption et il aura conquis dans le plus bref délai le diplôme d’ingénieur civil qu’on lui délivrera à sa sortie… s’il réussit, une fois admis, à se maintenir au niveau voulu après cette courte préparation. Ou bien, pour plus de sûreté, notre ex-pensionnaire peut travailler pendant une année sur les bancs d’un lycée ou d’une école préparatoire et se présenter ensuite à l’École centrale, où il ne peut manquer alors d’être reçu, sans difficulté et dans d’excellentes conditions. Mais ce dernier moyen, pour un garçon sans fortune, comme le sont presque tous les jeunes gens des Arts et Métiers[1], présente le très sérieux inconvénient de faire perdre une année au candidat.

Le gouvernement accorde, du reste, des bourses aux élèves médaillés qui veulent tenter l’aventure, de façon qu’un séjour de trois ans à Paris, venant à la suite des trois années des Arts et Métiers, n’impose pas de trop lourds sacrifices aux familles. Quoi qu’il en soit, 3 à 4 pour 100 des jeunes gens sortant des Arts et Métiers renoncent chaque année à se placer immédiatement pour entrer à l’École centrale. Nous n’avons aucune donnée pour savoir si, une fois reçus, ils figurent au nombre des plus brillans sujets. D’une part, leur médiocre éducation littéraire ne doit pas leur faciliter l’assimilation des principes les plus élevés des sciences abstraites ; d’autre part, leur habileté à dessiner vite et bien contribue à leur donner un avantage qui peut balancer, dans une certaine mesure, l’inconvénient que nous venons de signaler.

Mais, somme toute, le jeune diplômé des Arts et Métiers a tout avantage à chercher une place immédiatement après sa sortie, sans poursuivre d’autres parchemins d’utilité pratique contestable. Grâce à la façon intelligente dont ses études ont été dirigées, il possède à la fois des notions théoriques plus que suffisantes dans la plupart des cas, une instruction technologique très développée, l’habitude des épures et des lavis, et surtout il a été sérieusement dressé pour ce qui concerne le travail manuel. Plusieurs voies s’offrent à lui : dans chacune d’elles il peut utiliser soit l’une de ses triples aptitudes, soit même toutes les trois à la fois ; il est recherché à la fois par l’État, par les compagnies subventionnées et par l’industrie privée comme un « bon à tout faire, » à qui rien n’est complètement étranger. Pourquoi alors sacrifierait-il son gain immédiat et assuré et laisserait-il perdre sa précieuse adresse manuelle en vue

  1. Quoique le prix de la pension (600 francs par an) ne soit pas très élevé, les quatre cinquièmes des élèves de l’institution d’Aix jouissent, à titre de faveur annuelle et révocable, de bourses entières ou fractions de bourse.