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Aux Arts et Métiers, une fois que la seconde séance d’atelier de la journée est finie, les jeunes gens vont en récréation. Suivons-les : nous observerons que chaque division est parquée dans une cour distincte, et les élèves des différentes promotions ne peuvent, sous aucun prétexte, communiquer entre eux. Voilà une règle excellente en pratique, quoi qu’en puissent dire les amateurs de vieilles traditions ; par son adoption en 1879 on a coupé court aussi bien aux brimades qu’aux tentatives collectives d’indiscipline qui, très fréquentes autrefois, ne se sont plus renouvelées depuis[1].

Au rebours de ce qui se passe dans les collèges, les heures de liberté sont plutôt consacrées au repos, les jeunes gens étant épuisés par le rude labeur de l’atelier. L’étude en récréation est largement autorisée et pratiquée, sauf par un petit noyau de paresseux ou d’insoucians, et cela sans inconvénient aucun. En été, à l’approche des examens de fin d’année, les plus acharnés profitent même de la permission que leur accorde le directeur et se lèvent une heure avant l’instant réglementaire pour aller repasser leur cours à l’étude, sous la surveillance d’un adjudant.

C’est durant la récréation de midi que, deux fois par semaine, les élèves sont exercés aux manœuvres militaires avec de vieux fusils, modèle 1866, qui ne sortent jamais de l’enceinte de l’école. Quand, au même instant du jour, les élèves musiciens étudient isolément ou répètent, ils restent encore groupés par promotions, et les plus âgés ne doivent se réunir aux plus jeunes qu’en cas d’absolue nécessité, pour la bonne exécution des ensembles ou parfois, s’il y lieu, pour dresser des novices trop insuffisans[2].

Plus que tous autres, les élèves des Arts et Métiers, outre qu’ils sont en pleine période de croissance physique, ont besoin de réparer largement des forces épuisées à la fois par le travail manuel et par le labeur intellectuel. Aussi, la nourriture de l’établissement est-elle abondante et de bonne qualité. On a réalisé une économie sensible en pétrissant le pain à l’école même, la veille du jour où il est consommé et distribué à discrétion. Le ministre désigne l’adjudicataire du vin, et le liquide n’est agréé qu’après analyse ; il revient actuellement à 37 centimes le litre, tous frais compris. Chaque élève en reçoit journellement 48 centilitres, soit 16 centilitres par repas. Quant aux hors-d’œuvre du premier déjeuner, à

  1. La séparation à laquelle on fait allusion est obligatoire durant les promenades, et, arrivés au but d’excursion, les jeunes gens prennent leurs ébats sur trois emplacemens tout à fait distincts.
  2. Pendant la récréation du milieu du jour, les pensionnaires ont, en cas de visite, accès au parloir ; ce dernier, fort petit, est presque toujours vide, la plupart des familles étant dispersées bien loin de la ville d’Aix.