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pas toujours sérieuses ou exemptes de banalités qui passent ; mais la réalité reste, et la réalité ici, c’est une fête de nationalité ; c’est la consécration d’un événement heureux, — d’une réunion commencée autrefois à la façon révolutionnaire, reprise et accomplie plus régulièrement il y a trente ans par un acte de droit public et sanctionnée plus définitivement encore, il y a vingt ans, par le dévoûment avec lequel la Savoie s’est associée à l’épreuve commune, scellant de son sang son adhésion à la patrie française. Ce jour-là, la Savoie a noblement prouvé que le pacte d’union était sacré, qu’elle était à la France de cœur, sans calcul, sans arrière-pensée, sans compter avec la fortune. Le fond de ces manifestations récentes de Chambéry, ce qui survit à des fêtes éphémères, c’est la sincérité visible de ce peuple nouveau-venu dans la famille française, c’est l’accent qui a passé dans les discours adressés à M. le président de la république et qui a provoqué de la part de M. le président de la république le langage d’un chef de gouvernement à l’esprit loyal et bien intentionné. M. le maire de Chambéry, en confondant les destinées de la Savoie avec les destinées de la patrie commune dans le toast qu’il a porté à M. Carnot, au banquet de la ville, en saluant dans le chef de l’État « la personnification vivante de la France. » M. Perrier n’a point hésité à se dire l’interprète fidèle des sentimens de ses compatriotes, de ces honnêtes et laborieuses populations placées à la frontière, où « l’on fait moins de politique et plus de patriotisme. » Et M. le président de la république, à son tour, a saisi l’occasion de répondre par un discours où tous les mots ne sont peut-être pas de l’histoire, mais où il a prononcé une fois de plus quelques paroles d’un politique éclairé et prévoyant qui sent la gravité des choses. M. le président de la république s’est fait un devoir de féliciter M. le maire de Chambéry a de placer les intérêts de la patrie au-dessus de la lutte des partis qui, aujourd’hui, doivent désarmer devant la volonté nationale, au-dessus des mesquines querelles qui ne rencontrent que l’indifférence du pays, au-dessus des malsaines entreprises qu’il réprouve. » Une fois de plus, il s’est proposé et il a proposé à tous, pour objet, « de rapprocher tous les Français sous le drapeau de la république, d’unir les forces vives du pays, défaire une France prospère au dedans, honorée au dehors, calme et pacifique avec la conscience de sa force. » Si ce ne sont que des paroles, ce sont au moins de bonnes paroles. C’est ce qu’on pourrait appeler la haute et significative moralité du centenaire de Savoie, de ces fêtes qui n’ont rien de commun avec la sanction d’une victoire, la force, qui ne rappellent que la dédition volontaire et libre d’un petit pays à un grand pays.

Voilà qui peut faire passer bien des détails oiseux ou maussades dans un voyage officiel ! Mais quoi I Est-ce que M. le président de la république a le droit de se faire le promoteur d’une politique, surtout d’une politique de modération et d’apaisement ? Est-ce qu’il n’y a pas