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bien 1,700,000. En outre, la plupart des communes annexées, et notamment Montmartre, Belleville, sur la rive droite ; Plaisance, Montrouge, sur la rive gauche, étaient à des altitudes élevées ; il fallait cependant y envoyer aussi le précieux breuvage. La Somme-Soude et le Surmelin, dans la même direction, auquel on avait aussi pensé un moment, étant abandonnés, on trouva fort heureusement les sources de la Vanne, qu’on avait d’abord dédaignées.

La Vanne prend naissance dans le département de l’Aube, au fond d’une petite vallée crayeuse située entre Troyes et Sens, et vient se jeter dans l’Yonne, un peu au-dessus de cette dernière ville. Comme beaucoup de sources du terrain crétacé, celles de la Vanne n’émergeaient pas en un subit épanchement au flanc d’un coteau. Le terrain, en effet, dans lequel sont creusées les vallées de cette formation est, sur une très grande épaisseur, constitué par une craie fissurée et perméable. Aucune couche argileuse ou compacte ne vient s’y opposer à la descente verticale des eaux que la pluie répand à la surface. Celles-ci s’accumulent alors dans les profondeurs de la formation crayeuse, à laquelle ses crevasses et ses nombreuses fissures permettent de jouer le rôle d’un vaste réservoir. Une vallée creusée dans l’épaisseur de cette masse tout imprégnée d’eau y fonctionne à la façon d’un fossé de drainage. Elle appelle à elle les eaux. Celles-ci y affluent, et par les côtés et par les fissures du fond, comme feraient des eaux artésiennes. La partie la plus basse de la vallée est ainsi submergée d’une manière permanente. Sous l’action de l’humidité, il s’y développe des prairies fraîches et tourbeuses, qui, par la désorganisation continue de leurs végétaux, mêlent à l’eau une nuisible proportion de matières organiques.

On n’avait d’abord vu que cela dans la partie haute de la vallée, dont les prairies, véritables marécages, couvrent une surface de 2,173 hectares, et la Vanne avait été rayée de la liste des sources pouvant être admises à l’honneur d’apporter à la capitale le limpide tribut de leurs eaux. Un examen plus attentif, dont Belgrand, avec une sincérité qui est à l’honneur de son caractère, attribue tout le mérite à son collaborateur, M. Lesguillier, fit reconnaître que les sources les plus abondantes de la vallée jaillissaient, non pas au sein même de ces prairies marécageuses, mais seulement sur les bords, et à une hauteur assez grande pour qu’au moment de sa sortie de terre, l’eau fût à l’abri de tout contact corrupteur avec la tourbe. On évalua le débit, et on trouva que, sans assécher la vallée, on pourrait en dériver quotidiennement entre 90,000 et 100,000 mètres cubes. — L’épreuve des sécheresses prolongées des années 1858 et suivantes fut favorable à ces sources. Elles y résistèrent mieux que la plupart des autres du