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d’un sol en phosphore et son aptitude à porter des récoltes. Nous pouvons, en nous servant de l’analyse chimique, si habilement mise à profit par ces savans éminens, déterminer avec exactitude la proportion d’acide phosphorique que renferme une terre, et déduire de cette donnée l’opportunité de l’emploi des engrais phosphatés. Ces notions sont aujourd’hui définitivement acquises, et la pratique agricole peut adopter, sans hésiter, ce mode d’investigation.

Les analyses des sols, comparées aux résultats culturaux, ont montré que les terres renfermant seulement 0,1 à 0,2 d’acide phosphorique pour 1,000 sont infertiles, et que l’apport des engrais phosphatés les transforme complètement ; que celles qui en ont environ 0,5 doivent être regardées comme très pauvres et profitent largement des fumures phosphatées ; que la proportion doit approcher de 1 pour 1,000 pour qu’une terre puisse être regardée comme moyennement riche ; encore, si elle l’est assez pour les conditions de la culture ordinaire, généralement ne l’est-elle pas pour la culture intensive. Ce n’est qu’au-dessus de 1 pour 1,000 que le besoin de l’apport des fumures phosphatées se fait moins sentir. Au voisinage de 2 millièmes, d’ailleurs rarement atteint, on peut les regarder comme inutiles.

Donnons quelques exemples de l’influence des phosphates sur ces différens sols. Dans les landes de Bretagne, M. Rieffel a obtenu les résultats suivans : 1re année, terre de lande écobuée, 766 kilogrammes de froment par hectare ; 2e année, terre de lande phosphatée, 1,950 kilogrammes. L’introduction du phosphate a plus que doublé le rendement du grain dès sa première application. Dans un autre essai, en opérant sur la terre de lande brute, le même agronome n’a pu obtenir aucune récolte ; en y introduisant du phosphate, il a obtenu par hectare 25 hectolitres de seigle, 26 de sarrasin, 12 de blé. Ces terres, absolument improductives, ont donc été transformées, par le simple apport du phosphate, en véritables terres arables.

Si nous passons à des sols moins déshérités, nous pouvons tirer un exemple des essais faits par M. Vauchez dans le Bocage vendéen sur le chou-fourrage, qui est une des cultures les plus importantes de cette région. La terre non additionnée de phosphate a donné par hectare 25,700 kilogrammes de produit ; additionnée de phosphate, elle en a donné 47,800, c’est-à-dire près du double. Pour la culture du blé, M. Garola a obtenu dans la Beauce, par l’emploi des superphosphates, un rendement à l’hectare de 35 quintaux métriques de blé, alors que la terre non additionnée de phosphate n’en donnait que 19,5. Même dans des terres relativement