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Cet officier doit transmettre au khan les paroles du plaignant, et au plaignant la réponse du khan.

Les décisions du khan sont exécutoires de suite et sans appel, et l’exécution ne se fait pas attendre.

Mais il arrive souvent que le khan ne peut de suite prononcer son jugement ; il veut entendre la partie adverse. On la fait appeler. Alors le plaignant ou demandeur doit payer 1 tengué (0 fr. 40) au mirza ou écrivain faisant la lettre ; 2 tengués (0 fr. 80) par tach (8 verstes) au cavalier qui la porte ; 1 tengué à l’yéçaoul-bachi pour le cachet du khan, et 2 tengués aux courtisans, quand les deux parties, se trouvant réunies, sont introduites devant le khan. Alors le plaignant répète la plainte, et le khan écoute la partie adverse. S’il s’agit de paiement d’une somme d’argent et qu’il y ait un acte, un papier signé d’un kazi (juge indigène), il faut payer sur-le-champ. Si le papier n’a pas le cachet du kazi, les parties sont renvoyées devant le kazi, qui juge d’après le charyat[1].

Le khan, grand-justicier, reçoit des plaintes de toutes sortes : fonctionnaires faisant abus de pouvoir dans la perception des impôts, querelles de voisins pour bornage de propriétés, querelles de famille, etc. Et il ne fait qu’appliquer les coutumes juridiques en usage. Voici quelques-unes de ces coutumes juridiques qui sont assez particulières :

Quand il y a eu rixe, lutte, combat entre deux personnes, celui qui a tort reçoit cinquante à cent coups de bâton. Celui qui reçoit les coups de bâton doit en outre payer celui qui les lui donne.

Le bourreau reçoit 5 tellas (9 roubles) pour battre un homme, 2 tellas pour une femme, 25 à 100 tellas pour battre un homme de condition. L’homme recevant les coups de bâton ne peut avoir d’autre vêtement qu’un caleçon ; on lui tient les pieds, et le bourreau tape sur le dos nu. Quant à la femme, elle ne garde que sa chemise ; on la met dans un sac et on tape dessus. Le nombre de coups, pour les enfans, est diminué. Quand il y a eu attaque à

  1. Si ce papier porte le cachet d’un fonctionnaire et que le débiteur ne puisse payer, le khan accorde un délai d’une semaine si le demandeur consent. A la fin de la semaine, l’yéçaoul-bachi ramène de nouveau les deux parties devant le khan et le débiteur devra payer, outre le montant intégral de la créance, tous les frais divers, plus 10 pour 100 à l’yéçaoul-bachi. Si le débiteur ne paie pas, il reçoit cinquante coups de bâton. Il a alors un nouveau délai de huit jours au bout desquels il paiera ou sera battu de nouveau, ensuite il sera remis comme ouvrier à un homme qui s’engagera à payer pour lui, il perdra sa liberté. En fait, il deviendra un esclave à vie ou pour une durée de temps plus ou moins longue. Si le kazi, devant lequel les parties sont renvoyées, déboute le demandeur de sa poursuite, copie du jugement est portée devant le khan, et le plaignant paie tous les frais.