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à Khanki, des chevaux jusqu’à cette capitale. Mais telle ne fut point la route que je choisis. Je voulais voir de près un harik[1], le suivre depuis son commencement sur le fleuve jusqu’à sa fin, au milieu des terres, et bien m’en prit, car le spectacle en vaut la peine. Je louai donc à Pétro-Alexandrof une barque pour atteindre Khiva.

Partie de Pétro-Alexandrof vers les quatre heures du matin, la barque remonte le fleuve pour atteindre l’embouchure de l’harik. La côte est comme toujours basse, humide, garnie de roseaux et de broussailles, et quelques tentes disséminées apparaissent avec leur toit rond en feutre.

L’on atteint l’embouchure de l’harik, situé sur l’autre rive, après avoir coupé le fleuve. Le Palvan-Ata, que l’on suit, conduit l’eau à Khiva. Il a sur l’Amou plusieurs ouvertures, car les Khiviens, manquant souvent d’eau au printemps, époque des basses eaux du fleuve, ont fait un travail analogue à celui que nous avons vu accomplira Choura-Khan. Ils ont reporté plus haut l’ouverture de leur harik pour recevoir une plus grande quantité d’eau. Aujourd’hui, ils ont creusé une embouchure en amont, aux pieds des hauteurs de Pitniak, et ils ne pourront obtenir davantage d’eau, car tout autre travail est impossible par suite de la topographie des lieux. Chaque embouchure a une largeur de 15 à 20 mètres et a une telle profondeur que l’on ne peut guider la barque à la pique ; on est forcé de se servir de rames.

Autant les bateliers avaient eu de la peine à remonter le fleuve, autant, maintenant que nous sommes entrés dans l’harik, leur travail devient facile. La force du courant est telle qu’ils n’ont plus qu’à maintenir leur barque loin des rives, et l’on est emporté vers Khiva comme si l’on descendait une rivière au cours rapide. Il faut connaître bien ces hariks pour ne pas se tromper dans ce dédale de fossés s’éparpillant de tous côtés comme les branches d’un éventail et allant se perdre dans les terres qu’ils irriguent. Car le fossé central lui-même, le grand harik, n’est point rectiligne ; au contraire, il ne fait que se courber. Au point où les divers fossés venant du fleuve se réunissent, l’harik a une largeur de 50 mètres environ et l’eau jaune fait de nombreux remous. Plus loin, il y a de nombreuses prises d’eau, et la largeur diminue[2].

  1. Fossé d’irrigation.
  2. Ces sinuosités ont fait émettre l’opinion que le Palvan-Ata était un ancien lit du fleuve. D’après les levées de plan faites en 1873, le Palvan-Ata donnerait naissance, jusqu’à Khiva, à 79 hariks, dont 16 sur la rive gauche et 63 sur la rive droite. Au-delà de Khiva, le Palvan-Ata se divise en un grand nombre de petits canaux. En évaluant les sinuosités, le Palvan-Ata aurait un canal de 100 verstes. (Lentz, Société impériale russe de géographie de Pétersbourg, 1881.)