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publié d’après un document inédit, avec des notes biographiques et bibliographiques et une introduction, par A.-J. Servaas van Rooijen, archiviste de La Haye, et des notes de la main de M. le Dr David Kaufmann, professeur à Budapest[1]. Nous devons donc à M. Servaas d’apprendre que Spinoza avait réellement une bibliothèque, et, grâce à la sagacité pénétrante du savant hollandais et à ses investigations laborieuses, nous possédons maintenant le catalogue authentique des livres qu’avait réunis, pour son propre usage, le célèbre auteur de l’Éthique. Mais si c’est là le principal résultat, ce n’est pas le seul qu’ait obtenu M. Servaas comme récompense de ses peines. En scrutant les archives, en fouillant les bibliothèques publiques de La Haye, d’Amsterdam et d’Utrecht, en compulsant de nombreux dossiers et jusqu’à des minutes de notaire et des procès-verbaux de commissaires-priseurs, M. Servaas a eu la bonne fortune méritée de découvrir des pièces qui, sur plus d’un point, complètent ou rectifient les principales biographies de Spinoza, soit la Vie de Spinoza[2], attribuée au médecin Lucas, de La Haye, son contemporain et ami, soit celle que, peu de temps après la mort de Spinoza, rédigea Jean Colerus, ministre de l’église luthérienne de La Haye : la Vie de B. de Spinoza, tirée des écrits de ce fameux philosophe et du témoignage de plusieurs personnes dignes de foi qui l’ont particulièrement connu[3] ; soit enfin les pages que lui a consacrées Sébastien Kortholt dans son livre des Trois imposteurs, De tribus impostoribus magnis liber (qui sont Herbert de Cherbury, Thomas Hobbes et Spinoza lui-même), et auxquelles Christian Kortholt a ajouté de nouveaux renseignemens dans la préface de la deuxième édition du livre de son père[4].


I

Ce fut le 21 février 1677 qu’à l’âge d’un peu plus de quarante-quatre ans mourut à La Haye Baruch Despinoza, dont le nom, par des modifications successives, s’était changé en celui de Baruch d’Espinoza, et finalement de Bénédict de Spinoza ; au prénom juif de Baruch, Spinoza ayant substitué, comme fréquemment il arrive à ses coreligionnaires, un prénom chrétien, celui de Bénédict ou de Benoît. Spinoza était décédé presque inopinément dans le modeste logis que, depuis environ cinq années, il avait loué sur le Pavilionengracht, chez le sieur Van der Spyck, peintre de portraits et peut-être aussi, suivant M. Servaas, peintre en bâtimens,

  1. La Haye, 1888, petit in-4o ; W.-C. Tengeler.
  2. Amsterdam, 1719, in-8o.
  3. La Haye, 1706, in-12. Cette biographie parut d’abord en hollandais. Utrecht, 1698.
  4. Hambourg, 1701, in-4o.