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l’associait largement cette fois et franchement à la rédaction des lois.

Cette participation devait être son attribut prééminent.

En effet, l’article premier de la loi du 3 mars 1849 déférait obligatoirement à son examen tous les projets législatifs du gouvernement, à l’exception de quatre catégories, savoir : les projets budgétaires, ceux qui fixaient le contingent annuel de l’armée, les actes qui ratifiaient les arrangemens diplomatiques et les lois présentant un caractère d’urgence. Pour ces quatre catégories, le renvoi au conseil était seulement facultatif ; il en était de même des propositions nées de l’initiative parlementaire. On rompait avec le système qui avait prévalu depuis plus de trente ans ; système contradictoire, qui admettait en théorie une participation législative qu’il refusait en fait ou ne concédait que dans une mesure dérisoire et d’une façon si incertaine que c’était en vérité le hasard, le caprice et l’humeur du moment qui déterminaient cette collaboration intermittente, sans qu’il fût possible de discerner un critérium : pourquoi l’on saisissait le conseil de tel projet de loi ; pourquoi l’on s’abstenait de le consulter sur les autres.

Le premier rôle, dans l’organisation nouvelle, appartenait à la section de législation. Jamais sa compétence n’avait été si étendue. Elle devait être chargée, non plus seulement de la préparation des lois civiles, comme autrefois sous l’empire, mais de tous les projets et propositions que les ministres et l’assemblée renverraient. Elle concentrait et personnifiait la fonction législative du conseil. Or cette fonction, jusque-là, s’était répartie entre les divers comités ; au lieu que la loi nouvelle inaugurait un plan tout autre. Aux six comités elle substituait une division plus simple, du moins en apparence : trois grandes sections, correspondant aux trois attributions fondamentales, les sections de législation, d’administration et du contentieux[1]. Chacune avait son domaine nettement séparé. La première s’occupait des lois, la seconde des règlemens, la troisième rendait la justice, et, notez-le, la rendait seule, dans la plénitude du pouvoir juridictionnel. Arrêtons-nous à cette réforme du contentieux, qui fut, avec la création d’un tribunal des conflits, la plus remarquable des innovations que la loi de 1849 consacra.

Les ordonnances des 2 février et 12 mars 1831, en instituant, au conseil d’État, les audiences publiques, les débats oraux et les

  1. Ces sections, du moins les deux premières, se subdivisaient en comités. — Je crois que l’on peut chercher l’origine de ce groupement eu grandes sections dans le système très particulier qui fut élaboré en 1840 par une commission de la chambre, à l’occasion d’un projet présenté par M. Teste. On y voit le conseil divisé en deux grandes sections : l’une administrative, l’autre contentieuse.