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autels. On est étonné du vide considérable que la construction enveloppe, et il se dégage du tout une idée de puissance et d’harmonie. Cependant le sentiment que l’on éprouve reste grave. La décoration est très riche ; mais la lumière, venant de l’ouverture unique ménagée au sommet de la coupole, tombe d’une grande hauteur, allonge les ombres des corniches et des chapiteaux et attriste l’ensemble par un excès de clair-obscur. Sans s’en rendre compte, on est surpris de voir un si grand espace dans un jour reflété. On ne saurait dire si c’est l’édifice qui est élevé ou si c’est qu’on se trouve en un endroit profond. L’impression est mystérieuse, et, si le lieu est sacré, c’est un peu comme un hypogée.

Pour être compris, il importe de dire quelque chose de l’histoire du Panthéon, et même d’appuyer sur les faits principaux qu’elle présente. D’après les idées généralement reçues, sa construction remonterait aux dernières années de l’ère païenne ; Agrippa l’aurait achevé pendant son troisième consulat : c’est ce qu’atteste l’inscription qu’il a fait graver sur la frise du portique où on là lit encore. Il aurait choisi pour élever ce temple et d’autres édifices qu’il voulait y joindre, un endroit resté libre dans le Champ de Mars : le marais de la Chèvre, célèbre dès les premiers temps de l’histoire romaine. C’est là que Romulus aurait été enlevé au ciel au milieu d’un orage. Agrippa avait eu l’idée d’établir son Panthéon dans ce lieu déjà consacré par une antique apothéose. Mais, en même temps, il avait fait preuve d’un esprit pratique. Ce marécage était inoccupé. En le comblant on créait des terrains et, de la sorte, sans expropriations, on arrivait à disposer de vastes espaces. Voilà ce qu’avait fait le gendre d’Auguste, qui était un grand capitaine, mais aussi un flatteur entendu et un administrateur habile.

Il n’est plus question de savoir si le Panthéon était dédié à Jupiter Vengeur : on a rectifié le texte de Pline qui avait accrédité cette erreur. On pense, et cela sur le témoignage de Dion Cassius, que le temple avait été consacré aux Dieux de la Gens Julia. Suivant Dion, Mars et Vénus y présidaient avec Jules-César. Autour d’eux, des divinités et des héros appartenant au même patronage politique et religieux y devaient avoir leurs autels, et tous ensemble formaient en quelque sorte l’Olympe domestique de la famille impériale. Auguste avait refusé d’avoir une place dans ce sanctuaire. Il avait voulu que sa statue fût au dehors, en ayant celle d’Agrippa pour pendant. De là, croit-on, les deux grandes niches qui se voient de chaque côté de la porte sous le vestibule. Telle est l’opinion généralement admise. Quelques savans vont jusqu’à nommer l’architecte du Panthéon qui serait un certain Valérius d’Ostie. Quant à la décoration de l’édifice, il faut lire ce qu’en dit Pline, qui l’avait vue : car pour tout ce qui a été écrit et dessiné à ce