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étranger au concordat de 1813, arraché au pape par Napoléon lui-même, à Fontainebleau. Quand le vieux pontife, revenant sur les engagemens qu’il avait contractés, eut écrit sa fameuse lettre de rétractation, l’empereur lui envoya Maury pour essayer de le ramener. Le cardinal, comme il devait s’y attendre, lut mal reçu et ne retourna plus à Fontainebleau. De cette époque, il ne reste de lui que les lettres pastorales, les mandemens qu’il adressait à ses ouailles : ils sont pleins de flatteries pour l’empereur, l’impératrice, le roi de Rome, flatteries lourdes, énormes, sans mesure, sans discernement. Plus que jamais lui manquait le goût, qu’il n’eut jamais fin, ni délicat. Mais, au fond, les éloges qu’il décernait si libéralement à l’empereur et à la famille impériale, les vœux qu’il formait pour le succès des armées françaises étaient sincères, comme son attachement à la cause à laquelle il s’était rallié. Déconsidéré dans le clergé par son attitude à l’égard du pape, brouillé avec celui-ci, odieux aux royalistes qui ne lui pardonnaient pas sa défection, il n’existait que par Napoléon, et il avait trop d’esprit pour ne pas comprendre que son sort était indissolublement lié à celui de son maître. Nul assurément n’adressa au ciel des prières plus ardentes pour le triomphe de l’empereur, nul ne suivit avec plus d’angoisses les déplorables événemens de 1812, de 1813, de 1814, la retraite de Russie, l’évacuation de l’Allemagne, la campagne de France, l’abdication de Fontainebleau.


VI

Quand la nouvelle de l’entrée des alliés à Paris parvint au palais archiépiscopal, le cardinal lisait, assure-t-on, le Tractatus de sacramentis. Il fut, nous dit son biographe, atterré et prononça quelques paroles tirées de l’Ecclésiaste. Certes le Vanitas vanitatum, qui est toujours vrai, n’avait jamais été mieux en situation. Des amis engagèrent Maury à partir : il monta en voiture pour se rendre à Versailles, mais il trouva la barrière fermée et dut rebrousser chemin. Rentré dans son palais, il revêtit la soutane rouge et attendit les Cosaques, qui ne vinrent pas. — Malheureusement pour lui, il n’y avait pas dans Paris que les Cosaques. Avec les alliés, était venu le comte d’Artois, précurseur de son frère, l’ex-roi de Mittau, le ci-devant M. de l’Isle, qui était bien aujourd’hui le roi de France. Maury se joignit au chapitre pour adhérer à la déchéance de l’empereur, et fit demander une audience au comte d’Artois. L’audience fut refusée. C’était de mauvais augure. En même temps, le bref fulminant de 1810 était