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part, en mars 1791, le cardinal de Demis, ambassadeur de France à Rome, avait dû présenter ses lettres de rappel. Il n’avait pu prêter sans réserves le serment exigé par la loi. Ses réserves ne portaient que sur la religion ; mais l’Assemblée constituante ne les avait pas admises. Force fut à Louis XVI de révoquer ce prudent et sage serviteur de la monarchie. Destitué et ruiné, le vieux cardinal continuait de demeurer à Rome, sans amertume, ni aigreur, cherchant toujours à faire prévaloir les opinions les plus modérées dans le sacré-collège. — On discutait alors à Rome une grave question : celle des mesures à prendre contre les jureurs et les intrus, c’est-à-dire contre les prêtres assermentés, comme on les appelait d’ordinaire en France. Bernis voulait atermoyer. Le roi avait approuvé la constitution civile du clergé. Ne devait-on pas admettre que beaucoup des prêtres qui avaient prêté le serment civique s’y étaient crus par cela même autorisés ? Il savait qu’un grand nombre d’entre eux n’étaient pas de mauvais chrétiens, ni même de mauvais prêtres, qu’ils avaient subi l’entraînement général, qu’ils avaient cédé aux pressantes suggestions du besoin. Assagi par l’âge, ayant cette bienveillance que donne aux vieillards doués d’une âme généreuse la longue pratique de la vie, il conseillait l’indulgence. Maury était trop homme de parti et trop récemment sorti de l’arène pour penser ainsi. Le pape le chargea de rédiger un mémoire sur la question : il eut à choisir entre l’opinion de Bernis et celle des évêques français émigrés qui venaient de tenir un synode à Nice. Ces prélats, gens de cour, connaissant mal leur clergé et leur diocèse, préconisaient les mesures les plus violentes : l’excommunication contre tous les assermentés. Maury ne les suivit pas jusque-là. Il comprit ce qu’il y avait d’excessif à confondre le prêtre qui n’avait pas refusé de prêter le serment, le simple jureur, avec celui qui avait accepté en même temps une fonction nouvelle, l’intrus, — qu’il s’agît soit d’un véritable changement de poste, soit d’un accroissement de juridiction résultant des modifications apportées aux circonscriptions des diocèses et des paroisses. Le mémoire de l’ancien député de Péronne concluait à l’excommunication contre les intrus seulement, à la suite de deux monitions canoniques de soixante jours chacune. Quant aux jureurs, il proposait qu’on leur adressât un monitoire spécial, au moment où la dernière monition canonique serait envoyée aux intrus. — Ce programme, dont nous indiquons seulement l’esprit général, fut soumis au sacré-collège. Bernis seul y fit opposition. Tous les autres cardinaux l’agréèrent et le pape l’adopta, le 19 janvier 1792.

Ce succès accrut l’importance de Maury. Une occasion s’offrit bientôt au pape de lui marquer son estime et sa confiance.