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lesquelles rentrent évidemment les facultés intellectuelles et morales, Auguste Comte affirme la nécessité de commencer par l’homme et non par l’animal. « Toute recherche, dit-il, soit anatomique, soit physiologique, relative à la vie animale elle-même, serait essentiellement obscure si on ne commençait pas par la considération de l’homme, seul être où un tel ordre de phénomènes soit jamais immédiatement intelligible. C’est nécessairement l’état évident de l’homme de plus en plus dégradé, et non l’état indécis de l’éponge de plus en plus perfectionnée que nous pouvons poursuivre dans toute la série animale. Si nous paraissons ici nous écarter de la marche ordinaire où nous procédons toujours du sujet le plus général et le plus simple au plus particulier et au plus complexe, c’est uniquement afin de nous mieux conformer, sans puérile affectation de symétrie scientifique, au vrai principe philosophique qui consiste à passer constamment du plus connu au moins connu. » Appliquez ces principes à la psychologie et vous comprendrez que Jouffroy ait voulu constituer la psychologie humaine, c’est-à-dire la psychologie subjective, avant la psychologie animale, qui se fait par le dehors.

En résumé, la polémique d’Auguste Comte n’ébranle pas le moins du monde les principes posés par Jouffroy, à savoir l’existence de faits subjectifs aussi certains, sinon plus que les faits objectifs ; de plus la possibilité de connaître et d’analyser ces faits par l’observation ; la distinction de l’observation interne et de l’observation externe, en un mot l’existence d’une psychologie subjective, comme base de toutes les recherches sur les facultés intellectuelles et morales.

Pour compléter notre démonstration, examinons maintenant la méthode qu’Auguste Comte propose de substituer à celle de Jouffroy. Elle consiste en deux points : 1° étudier les facultés non en elles-mêmes, mais dans leurs organes ; 2° les étudier encore non en elles-mêmes, mais dans leurs résultats. En un mot, la doctrine a pour but de faire rentrer la psychologie dans la physiologie et dans l’histoire naturelle. Il loue Destutt de Tracy d’avoir eu le courage de dire que l’idéologie est une partie de la zoologie ; mais Tracy s’était contenté de le dire, et son idéologie était restée purement abstraite, séparée absolument de toutes les conditions organiques et des origines zoologiques. Il s’agit donc de reprendre et de mettre en pratique l’aphorisme de Tracy.

Quant à nous, il nous semble que la proposition de Tracy ne signifie pas grand’chose. On peut, en effet, convenir que l’homme, ayant un corps organisé comme les autres animaux, sera appelé un animal, et même les écoles de philosophie le définissent