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renouvelé toute l’histoire naturelle, et il en sera de même en psychologie. Mais la physiologie ne cessera jamais d’exister comme science distincte, prenant pour base le type le plus complet de l’être vivant. De même, en psychologie, l’idée de mouvement, de variation, d’évolution, s’introduira de plus en plus, soit au point de vue des âges, soit au point de vue de l’histoire des sociétés, soit au point de vue des altérations morbides ; mais ces études comparatives n’excluent pas et même exigent une unité, un terme de comparaison, qui est là aussi l’homme adulte et l’homme normal.

Auguste Comte a posé lui-même avec beaucoup de précision la différence qui sépare le domaine de la biologie du domaine des autres sciences qui lui servent de complémens, de confirmations ou de rectifications. Les mêmes principes s’appliquent rigoureusement à la psychologie et à ses annexes. Il distingue deux ordres de sciences, les sciences abstraites et les sciences concrètes. La science abstraite est celle qui étudie les lois générales et fondamentales. La science concrète étudie ces mêmes lois modifiées par les circonstances diverses de la réalité. La science abstraite de la vie, c’est la biologie ou physiologie proprement dite ; les sciences concrètes sont : 1° l’histoire naturelle ; 2° la pathologie. « Ces deux ordres de considération, dit Auguste Comte, sont également étrangers par leur nature au vrai domaine philosophique de la biologie. En effet, celle-ci doit toujours se borner à l’étude essentielle de l’état normal, en conservant l’analyse pathologique comme un simple moyen d’exploration. De même, quoique des observations d’histoire naturelle puissent fournir à l’anatomie et à la physiologie de précieuses indications, la vraie biologie n’en doit pas moins, tout en se servant d’un tel moyen, décomposer toujours l’étude de chaque organisme dans celle de ses parties constituantes, tandis qu’une telle décomposition est directement opposée au véritable esprit de l’histoire naturelle. »

Ces principes, très solides en eux-mêmes, peuvent s’appliquer, sans presque y rien changer, à la science psychologique. Sans doute il y a une pathologie mentale ; sans doute il y a une histoire naturelle de l’âme, à savoir l’histoire de ses différens états aux différens âges, aux différens siècles, suivant les sexes, les tempéramens, etc. Ce sont des sciences concrètes. La psychologie proprement dite est une science abstraite, comme la physiologie. C’est elle qui fonde les sciences concrètes, qui sans elles seraient impossibles. Réciproquement, la psychologie puise des données précieuses dans l’une ou l’autre de ces deux sciences ; mais elle s’en distingue. Si la psychologie n’existe pas d’abord pour elle-même, elle