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aimait les fêtes traditionnelles, même un peu libres. Il fit faire des cadeaux aux enfans du chœur de Saint-Sauveur à Blois, pour fêter l’évêque qu’ils nommaient par plaisanterie le jour des Innocens. Les réjouissances de ces clercs du chœur de Saint-Sauveur durent ressembler aux plaisirs un peu violens que prenaient les clercs du chœur de la Sainte-Chapelle à Dijon. Le duc d’Orléans fit aussi des cadeaux à l’évêque des Fous, et au roi que nommaient les pages le jour des Rois.

Comment François Villon fut-il reçu dans cette société ? Il est probable que Charles d’Orléans prit d’abord un grand plaisir à une conversation qui devait être fort spirituelle. Le 14 décembre 1457 naquit sa fille Marie, et Villon composa pour elle un Dit. Ce n’est pas un de ses bons poèmes ; mais il y demande à la petite princesse de donner au monde la paix. Le Problème ou ballade au nom de la Fortune fut écrit aussi sous l’influence de Charles d’Orléans et composé probablement à la cour de Blois. Enfin il y eut un concours de ballades entre plusieurs poètes de l’entourage du duc. Le premier vers proposé était :


Je meurs de soif auprès de la fontaine.


Robertet, Simonet Caillau et Charles d’Orléans composèrent leurs ballades. Villon fit aussi la sienne. Elle est incontestablement supérieure. À travers la contradiction qu’on lui imposait dans chaque vers, il a montré le malheur de sa nature. « Je riz en pleurs, » dit-il. Deux vers de cette ballade font croire que le poète fut pensionné par Charles d’Orléans.


Que fais-je plus ? Quojt Les gaîges rayoir,
Bieu recuelly, débouté de chascun.


Mais les comptes de la maison d’Orléans qui sont conservés pour cette période ne mentionnent pas de dépense en faveur de François Villon. D’ailleurs l’amitié de Charles d’Orléans pour lui eut peu de durée, si l’on en croit le témoignage d’un manuscrit des poésies de Charles d’Orléans, le n° 25458 du fonds français à la Bibliothèque Nationale. C’est un petit volume sur parchemin, composé de cahiers de huit feuilles, qui furent reliés ensemble plus tard. Il a été étudié de près par M. Byvanck ; et le savant hollandais y a fait une importante découverte qu’il justifiera dans