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Guy Tabarie, « qui est hom véritable ; » il lègue à François, promoteur de La Vacquerie, « un haut gorgerin d’Écossois, » c’est-à-dire sans doute une corde de chanvre pour le faire pendre ; pour François Ferrebouc, il devait le retrouver cinq ans après, en 1463, et se venger de lui plus sérieusement. Ainsi Villon quittait Paris une seconde fois, en hiver, allant vers l’Ouest, mais avec 100 écus d’or dans sa poche. C’était sa véritable vie errante qui commençait. La fuite de 1455 n’en avait été que la préparation. Il savait qu’on lui pardonnerait bien difficilement un vol comme celui du collège de Navarre. Il ne comptait plus sur Guillaume de Villon, ni sur les amis de Mme Ambroise de Loré. L’exil dont il s’est plaint fut volontaire, et il s’imposa son bannissement. Les coquillards lui avaient enseigné toutes les façons de vivre sur la route. Il espérait peut-être, dans les villes où il passerait, composer quelque farce, faincte ou moralité, qui lui donnerait un peu d’argent. Enfin, il avait l’intention de gagner les domaines de la Loire pour faire un séjour à la cour de Charles d’Orléans et probablement d’aller vivre auprès de Jean II de Bourbon qui pourrait l’entretenir d’une pension. Car il devait savoir composer sa figure, changer de manières pour se conformer à l’étiquette, rire à ceux qui lui riaient, bouffonner pour gagner son pain et recevoir les plaisanteries et les brocards à la table des grands, pourvu qu’on lui donnât de l’hospitalité et de l’admiration pour son extraordinaire talent de poète.


III.



La partie de la vie de François Villon, qui s’étend de janvier 1457 à octobre 1461, est encore très mal connue. On peut espérer que des découvertes dans les archives de province, à Angers, à Bourges, à Orléans, à Dijon, nous apprendront un jour comment il vécut et où il alla. Il est impossible de déterminer s’il a visité Angers ou s’il y a été mêlé à l’affaire criminelle qu’il projetait. Mais il parcourut l’ouest de la France. C’est à Saint-Géneroux, dans les Deux-Sèvres, ainsi que l’a reconnu M. Longnon, qu’il devint l’ami de deux dames très belles et gentes qui lui apprirent à parler poitevin et auxquelles il fait allusion bien discrètement dans ses vers. Il passa par Saint- JuUen-de-Vouventes, dans la Loire-Inférieure. Sans doute remontant le cours de la Loire, il arriva vers la fin de l’année 1457 dans un des châteaux du duc d’Orléans. Charles d’Orléans avait alors soixante- six ans ; mais moralement il était encore plus âgé. Depuis Azincourt, pendant vingt-cinq ans, il avait