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ment reconnu M. Longnon, assista à ces franches repues. Les legs de Villon sont si satiriques, et la compagnie de l’abbesse de Port-Royal si étrange, qu’on est tenté d’imaginer que ces cochons gras furent pris la nuit dans le parc du bon Perrot Girard et mangés dans l’abbaye à grande réjouissance.

On ne sait pas vers quelle province François Villon se dirigea après avoir quitté Bourg-la-Reine. Mais précisément en juin 1455 on trouvait sur toutes les routes entre Lyon, Dijon, Auxonne, Toul, Mâcon, Salins et Langres, des malfaiteurs qui appartenaient à la compagnie de la Coquille. Il est hors de doute que Villon entra en relation avec ces compagnons coquillards. Deux ballades en jargon leur sont adressées. Régnier de Montigny faisait partie de l’association. Jouant sur le nom de Colin de Cayeux, François Villon écrit Colin l’Escailler, c’est-à-dire le Coquillart. C’est dans la ballade où il donne comme exemple tragique la mort de Régnier de Montigny et de Colin de Cayeux. Le jargon dans lequel sont écrites les six ballades de Villon est le même que le jargon des compagnons de la Coquille. Enfin, Jehan Rosay, Jehan le Sourd de Tours, Petit-Jehan, tous trois coquillards, furent à Paris ou à Poitiers compagnons de Régnier de Montigny et complices de François Villon dans le vol du collège de Navarre en 1456. Quand Villon quitta Paris au mois de juin, il est probable que Régnier de Montigny l’avait préparé à rencontrer ses amis de la Coquille. Le poète dut gagner le Dijonnais ; il parle dans ses poèmes de Dijon et de Salins. On peut bien croire qu’il n’aurait pas connu la petite ville de Salins s’il n’y avait passé. Les coquillards fréquentaient Salins ; mais leur capitale était alors Dijon.

C’est vers 1453 qu’arriva dans la ville de Dijon cette compagnie de gens inconnus, oisifs et vagabonds. Ils firent bientôt connaissance avec un carrier du duc de Bourgogne, Regnault Daubourg, qui les conduisait dans la campagne. « il étoit, dit un témoin, le père conduiseur des coquillards es foires et marchés de Bourgogne, » comme Villon avait été à Paris « la mère nourricière de ceux qui n’avoient point d’argent. » À Dijon, ils passaient leur temps dans un hôtel mal famé, tenu par un sergent de la mairie, Jaquot de la Mer. On ne savait de quoi ils vivaient. Ils allaient et venaient dans la boutique d’un barbier, Perrenet le Fournier, où ils jouaient aux dés, aux tables et aux marelles, après s’être fait peigner et couper la barbe. Ils s’étaient liés aussi avec des filles de Dijon, et certains en avaient amené avec eux de Paris. Quand ils n’avaient plus d’argent, ils disparaissaient pendant quinze jours, un mois ou six semaines. Revenant à Dijon, ils étaient les uns à cheval, les autres à pied, « bien vestuz et habilliez, bien garnis d’or