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étaient atteints. Ici, les outrages au roi se multipliaient : là, les sacremens étaient refusés à ceux qui avaient prêté serment au gouvernement établi. Plusieurs départemens du midi voyaient se développer un mouvement de résistance que provoquaient les actes de violence commis contre les croix et les presbytères.

En se formant pour rétablir l’ordre, le cabinet du 13 mars entendait être obéi par la garde nationale, dont il fallait calmer les ardeurs, et par le clergé, dont il était nécessaire de faire cesser les résistances. Les préfets, croyant tout obtenir cette fois d’un ministère énergique, redoublèrent leurs instances pendant les mois d’avril et de mai : « Cela ne peut pas durer ! » disait la majorité des députés. « A de telles impudences, il faut répondre par un redoublement d’énergie ! » s’écriait M. Dupin. « Ne pourrait-on pas, proposait le ministre de la guerre, soumettre aux conseils municipaux la question de savoir si chaque mois le mandat de traitement doit être délivré au curé ? » Ainsi d’heure en heure, les têtes s’échauffaient, les propositions devenaient plus extravagantes.

Au milieu de cet emportement général qui atteignait quelques-uns des ministres, le roi, le président du conseil et le ministre des cultes gardaient seuls leur sang-froid. Ils avaient un dessein et entendaient y demeurer fidèles : séparation de la religion et de la politique, volonté absolue de soumettre le clergé aux lois, et de l’entourer en même temps de protection et de respect.

Circulaires ministérielles, discours, notes du Moniteur, tout ce qu’inspirait M. Casimir-Périer, tout ce qu’écrivait M. de Montalivet était marqué de ce double caractère : — « Nous devons protéger, disait le président du conseil, la liberté des cultes, comme le droit le plus précieux des consciences qui l’invoquent (chambre des députés, 18 mars 1831). » — Et dans une circulaire aux préfets : — « N’oubliez pas que la vigilance ne doit jamais descendre à la persécution. Les opinions doivent être ménagées, les croyances respectées. La liberté des cultes doit être sacrée pour le pouvoir comme pour tous. Il importe à la morale publique et à la tranquillité générale que jamais la dérision et l’outrage ne puissent atteindre ce qu’une grande partie vénère et ce que les nations civilisées ont toujours respecté. » — (Moniteur du 20 mars 1831.)

Ainsi, pour rétablir la paix en face d’un clergé hostile et d’une opinion publique exigeante, jamais le cabinet du 13 mars n’élevait la voix sans marquer à la fois les torts de certains ecclésiastiques et la protection due au clergé dans l’ensemble de ses membres.

« Après la révolution de juillet, déclarait le Moniteur[1], en

  1. Moniteur du 15 septembre 1831. Cette note avait été délibérée paragraphe par paragraphe en conseil et plusieurs phrases avaient été dictées par M. Casimir-Périer.