Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

employée est efficace, et plus il importe de la briser. De là, l’unanimité d’attaques qu’explique seul le péril du parti.

Le parti radical était à peine remis de sa surprise, quand il apprit que Rome était résolue à donner des conseils précis aux catholiques qui se disaient conservateurs en poursuivant de leurs vœux une révolution. Que deviendrait le parti radical, si ces conseils étaient suivis ? Comment pourrait-il vivre, s’il ne lui était plus permis de dénoncer chaque matin l’accord des royalistes et des prêtres, leurs menées ténébreuses, leurs intrigues menaçant l’existence de la république ?

Allait-il, par le fait du pape, perdre coup sur coup deux de ses moyens d’action sur les foules ! voir s’échapper une partie tout au moins de la clientèle ouvrière, et sentir s’affaiblir le monopole si habilement exploité de la foi républicaine ?

Pour qui savait écouter, il n’était pas possible, au commencement de l’année 1892, de se faire illusion. La direction donnée au clergé par la papauté, l’importance attachée aux questions ouvrières, la volonté d’apaiser les esprits et de les ramener vers la république, devaient exciter les fureurs du parti qui fait reposer sur la guerre sociale toutes ses espérances. Aussi, dès que les prédications ont recommencé cet hiver, le mot d’ordre a-t-il été lancé. Les empêcher à tout prix, couvrir la voix de l’orateur, soulever un tumulte qui le force à descendre de la chaire et proclamer partout que le clergé, se faisant l’agresseur, provoquait des désordres. Tout s’est passé conformément au programme. Nous ne faisons nulle difficulté de le reconnaître : il y a eu des fautes commises. Les conférences contradictoires tolérées depuis quelques années n’auraient pas dû être permises dans l’hiver de 1892, en présence des excitations qui n’étaient un secret pour aucun lecteur de feuilles socialistes. On aurait dû s’abstenir de l’envoi de programmes imprimés contenant des sujets et des titres alléchans, tels que : « Réfutation du socialisme de Marx, de Lassalle ou de Guesde ; théorie des possibilistes et des anarchistes. » La chaire n’est pas et ne peut pas être une tribune politique. Il faut beaucoup de mesure, beaucoup de tact pour distinguer les