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En résumé, le projet de loi que propose la commission, ou plus exactement les dispositions de ce projet qui viennent d’être examinées ne nous paraissent avoir qu’une concordance très faible, très insuffisante, avec les énonciations contenues dans l’exposé des motifs. Celles-ci posent admirablement le problème, le projet de loi n’en offre pas la solution. « Il faut, dit l’exposé, liquider le portefeuille des caisses d’épargne, » et la vigueur de cette affirmation ne fait que mettre en relief la mesquinerie des moyens proposés pour cette liquidation. L’afflux des capitaux à la Caisse des dépôts est un péril permanent, sans cesse grossissant, pour l’État, disent les considérans du projet, et les gros dépôts, ajoutent-ils, sont la cause de tout le mal ; après quoi le projet laisse subsister les gros dépôts, croyant avoir tout gagné par quelques chinoiseries nouvelles d’ordre administratif, dont on aura taquiné les déposans. Cette œuvre achevée, le projet de loi esquisse toute une réforme des caisses d’épargne, fondée sur quelques expériences aventureuses en matière d’emploi des fonds et sur l’organisation de caisses d’épargnes libres, autonomes, s’administrant sans contrôle extérieur. Toute cette partie de la réforme projetée a des parties heureuses comme elle en a de discutables ; mais quelle application pratique en pourrait-on tenter, aussi longtemps qu’on n’aura pas fait rentrer dans son lit le fleuve débordant des capitaux portés aux caisses, qu’on n’aura pas dégagé l’État de cette terrible responsabilité du remboursement à vue d’une dette de trois milliards ?


VI

Avec le rapport Aynard, si sensé dans son exposé des faits, si timide dans ses propositions, on avait au moins l’apparence d’une tentative de réforme, une porte ouverte sur une organisation nouvelle des caisses d’épargne, entrevue pour un avenir assez lointain, entrevue cependant. Après les votes émis par la chambre pendant la première délibération, ces lueurs de réforme ont disparu ; il reste une des plus mauvaises lois financières qui se puissent imaginer, une loi dont l’application prolongée pourrait porter un coup funeste à toute cette prospérité économique dont on fait peut-être trop hautement état.

Les dépôts actuels s’élevant à 3,600 millions de francs et étant représentés, sauf un fonds de roulement de 150 millions, par des titres qui ne sauraient jamais être réalisés en cas de crise, le premier devoir du gouvernement et de la chambre était d’arrêter