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ans. Il a été exposé ici même, il y a dix-huit mois[1], comme suit :


Les valeurs acquises avec les fonds disponibles des caisses d’épargne ordinaires sont achetées par la Caisse des dépôts et consignations pour son propre compte et à ses risques et périls, bien que placées dans un portefeuille qui est l’objet d’une gestion spéciale. Elles ne constituent point une propriété directe des déposans des caisses d’épargne, mais font partie de l’ensemble des gages que fournit la situation même de la Caisse des dépôts et consignations. Si le remboursement en espèces devenait un jour difficile par suite de graves événemens politiques et financiers, les valeurs du portefeuille ne pourraient être réparties aux déposans, aux lieu et place du montant déposé. L’interprétation contraire ne saurait être admise ; elle est d’ailleurs de plus en plus abandonnée. La Caisse des dépôts doit aux déposans des capitaux, et non des titres. En cas de crise, il lui faudrait réaliser les rentes, et si cette réalisation laissait une insuffisance, ce serait à la Caisse des dépôts à la combler, et, à son défaut, au gouvernement. Il y a là une éventualité sérieuse, un péril réel.


M. Aynard, dans son rapport du 27 mai 1891, se demande si l’État est en mesure de rembourser les capitaux exigibles à vue qu’on lui confie ; la réponse que lui donne l’expérience des faits est catégorique : « D’après les précédens de 1848 et de 1870, il est évident que l’État se trouve dans l’impossibilité absolue de rembourser à vue les capitaux des caisses d’épargne. » Sans aller jusqu’à prévoir, avec le rapporteur, le moment où, dans dix ou quinze années, la Caisse des dépôts gérera six ou huit milliards, on est fondé à dire dès aujourd’hui, avec le rapporteur, que la Caisse « détient prisonnières les ressources en partie amassées pour les mauvais jours, et qu’elle ne pourrait rendre aux mauvais jours. » M. Aynard n’exagère rien lorsqu’il ajoute qu’il y a là « une question grave, terrible pourrait-on dire, qui ne s’est jamais présentée avec une pareille importance dans nos grandes secousses antérieures. »


III

De telles assertions ne sauraient être émises sans énonciation de chiffres à l’appui. Voici les chiffres. On sait que la loi invite toutes

  1. Voir la Revue du 1er janvier 1891, la Caisse des dépôts et consignations.