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sur 100 conscrits 42 savaient lire, en 1877, c’est 85 ; tandis qu’en 1820, sur 100 femmes, 34 pouvaient signer leur acte de mariage ; en 1879, c’est 70. — Pareillement, dans les lycées et collèges, l’Université qui élevait en 1815 37,000 adolescens, en élève 54,000 en 1848 et 64,000 en 1865[1] ; plusieurs branches d’études, en particulier l’histoire[2], s’introduisent dans l’enseignement secondaire et y portent de bons fruits. — Même dans l’enseignement supérieur qui, par institution, reste languissant, décoratif ou routinier, il se produit des améliorations ; l’État ajoute des chaires à ses établissemens de Paris, et fonde en province des Facultés nouvelles. En somme, un esprit curieux et capable de se conduire lui-même peut, à Paris du moins, en utilisant les diverses institutions universitaires, acquérir sur tous les sujets des informations complètes et se donner l’éducation compréhensive. — Qu’il y ait dans le système des inconvéniens très graves, par exemple l’internat, les pères, qui l’ont subi, s’y résignent pour leurs fils. Qu’il y ait dans le système des lacunes très grandes, par exemple le manque d’Universités véritables, le public, qui n’a pas vu l’étranger et ignore l’histoire, ne s’en aperçoit pas. En vain, à propos de l’instruction publique en Allemagne, M. Cousin, dans son rapport éloquent de 1834, comme autrefois Cuvier dans son rapport discret de 1811, signale cette lacune ; en vain, M. Guizot, ministre, se propose de la combler : « Je ne rencontrai point, dit-il[3], de forte opinion publique qui me pressât d’accomplir, dans le haut enseignement, quelque œuvre générale et nouvelle. En fait d’instruction supérieure, le public, à cette époque,.. n’était préoccupé d’aucune grande idée, d’aucun impatient désir… Le haut enseignement tel qu’il était constitué et donné suffisait aux besoins pratiques de ta société, qui le considérait avec un mélange de satisfaction et d’indifférence. »

En matière d’éducation, non-seulement pour ce troisième stade, mais encore pour les deux premiers, à l’endroit de leurs objets, de leurs effets, de leurs méthodes et de leurs limites, l’opinion est apathique ; la belle science qui, au XVIIIe siècle, avec Jean-Jacques, Condillac, Valentin Haüy, l’abbé de l’Épée et tant d’autres, avait

  1. Revue des Deux Mondes, numéro du 15 août 1869, p. 909 et 911 (article de M. Bousier).
  2. Arrêté du 9 novembre 1818. (Jusqu’en 1850 et au-delà, l’Université arrangeait son enseignement pour ne pas entrer en conflit avec le clergé sur les terrains contestés de l’histoire ; par exemple, l’histoire ancienne finissait en quatrième avec Auguste et recommençait en troisième avec l’invasion des Barbares ; on évitait ainsi les quatre siècles intermédiaires, la naissance et la formation du christianisme. Par la même raison, l’histoire moderne s’arrêtait en 1789.)
  3. M. Guizot, Mémoires, t. II.