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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mai.

Entre le jour où nos chambres françaises ont pris leur congé de printemps, et le jour où elles sont revenues dans leurs palais pour se remettre aux affaires publiques, un mois s’est à peine écoulé ; il a passé rapidement. Puis la rentrée s’est faite sans bruit et sans éclat, sans autre accident qu’une interpellation banale qui attendait M. le président du conseil pour lui demander compte de l’arrestation de quelques anarchistes, et qui est tombée d’elle-même devant l’inattention d’une assemblée distraite ou préoccupée.

Un mois de vacances parlementaires, ce n’est rien : c’est tout au plus une courte trêve aux vaines querelles, un moment de repos pour le pays qui ne s’en plaint pas. Un mois, ce n’est rien, le plus souvent, et c’est quelquefois beaucoup par les incidens qui peuvent survenir dans l’intervalle, qui ressemblent à des révélations dévoilant brusquement les contradictions croissantes des choses, une sorte d’ébranlement universel, l’aggravation rapide d’une situation. Évidemment pour cette année, entre la séparation et la rentrée des chambres, il y a eu des faits qui ont leur signification dans l’ensemble des affaires de la France : il y a eu un 1er mai avec ses confusions de plus en plus menaçantes, les manifestations d’un socialisme révolutionnaire qui, loin de désarmer, redouble d’audace, de nouvelles explosions anarchistes bravant la police et la justice, les paniques causées par la hardiesse du crime ; il y a eu de plus les élections municipales, qu’on est encore occupé à dénaturer et à torturer, les incidens nouveaux de cette agitation religieuse au milieu de laquelle le pape vient de faire entendre une fois de plus sa voix avec une imperturbable fermeté. Il y a tous ces faits qui se sont succédé en peu de jours, et de tout cela résulte manifestement partout un sentiment d’inquiétude ou d’incertitude dont on ne se défend pas. Sénateurs et députés