Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/703

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cela ne se chantait pas encore ; mais, patience, cela se chantera. En attendant, voici ce que murmurent, entre deux baisers, Enguerrande et Gaétan.


ELLE.
Pareils à ces pistils que nous éparpillons
Du souffle, dans l’air rose, avec les papillons,
D’innombrables points blancs, dorés par la distance,
Piquent la mer lointaine.
LUI.
Enfant, c’est la laitance
Des étoiles…

Et tandis qu’ils sont aux bras l’un de l’autre, passent les conscrits s’en allant en guerre et chantant ce couplet :

Puisque, semblables aux chapons
Qui n’aiment pas les poules,
Ils ont peur d’être, les capons,
Au derrière des foules,
Républicains et monarchiens,
Troupeau sans chiens,
Faisons leur tâche,
Et qu’on châtre le Gaétan,
Ce gars étant
Un lâche.


Pauvre M. Chapuis ! Pauvre jeune musicien ! On le dit sympathique, savant, comme ils sont tous, et modeste, comme ils ne sont pas. Pourquoi s’est-il fourvoyé dans ce livret extravagant ? Ce n’est pas que sa musique extravague. Oh ! non, pas extravagante ; insaisissable plutôt, et souvent, pour ainsi dire, inexistante. Je me sens moi-même bien sévère, mais que voulez-vous ? Beaucoup de notes les unes avec les autres, ou les unes après les autres, peuvent n’être pas plus de la musique que des mots à la file, sans ordre ni construction, ne seraient de la poésie, ou seulement de la prose. Mais tandis que, pour assembler les mots, il faut toujours au moins un fantôme d’idée, un soupçon d’intention, pour les notes, ce n’est pas nécessaire. Elles sont trop bonnes, les sept infortunées, et se laissent faire. Légères, et par leur nature même impuissantes à se défendre ou à se venger, jamais elles ne s’écroulent, comme font les pierres et les marbres, sur l’imprudent qui méconnaît les lois de leur ordonnance et de leur équilibre. En architecture, une pyramide ne tiendrait pas sur la pointe ; en musique, elle peut tenir quelque temps.

Pour faire tenir sa pyramide, M. Chapuis a procédé comme tous