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de réconcilier les conservateurs avec la république et de faire place dans la république aux conservateurs. Leur moyen est de se montrer ce qu’ils demandent aux autres de devenir. Il ne s’agit pas de mettre en lumière la face conservatrice, et de laisser dans l’ombre le revers républicain, mais de présenter sous le même jour le double caractère qui est la nouveauté de leur politique, d’établir avec une loyauté impartiale et ce qui les sépare des républicains, et ce qui les sépare des royalistes. Faire leurs preuves de conservateurs est superflu ; on les sait tels, sans qu’ils aient à le dire, ils ont possession d’état. Le nécessaire est de prendre figure de républicains, parce qu’ils ne l’étaient pas hier, et qu’ils n’ont pas encore osé dire qu’ils le soient devenus. Et pour regagner tant de temps perdu, dégager de tant d’équivoques des idées simples et un programme net, déterminer dans la France le mouvement d’opinion sans lequel eux et leur œuvre sont condamnés, ils ont, avant les élections générales, quelques mois peut-être, un an et demi au plus. Tout peut encore être sauvé, tant la cause est bonne ; mais à condition de ne perdre ni une occasion, ni une heure. Il ne doit plus se livrer de batailles où l’on ne voie leur drapeau, il ne doit plus se produire ni faute dans les actes du gouvernement, ni injustice dans les desseins de la majorité, ni parti-pris dans les manœuvres de l’opposition, sans qu’ils opposent aux hypocrisies, aux équivoques, aux violences, la mesure, la sagesse, la sincérité, la volonté de servir ensemble la république et l’ordre. C’est la poursuite obstinée, éclatante, de cette entreprise dans le parlement, dans tout le pays, qui seule réveillera les sympathies, groupera les dévouemens, lèvera les troupes. C’est la faveur croissante du peuple, récompense de cette énergie, qui seule peut décider les incertains de la droite à s’enrôler dans les rangs constitutionnels. C’est la puissance du parti nouveau formé par la majorité des anciens monarchistes, qui seule donnera aux royalistes demeurés incrédules ou hostiles un motif de céder. Et ces derniers ont assez le sentiment du devoir pour ne pas perpétuer alors contre les leurs, et au détriment des idées d’ordre, une campagne royaliste qui ne serait plus qu’une chouannerie. Ainsi le rétablissement de l’accord dans la droite et la formation d’un parti conservateur dans la république apparaissent suspendus, comme des conséquences, au courage des constitutionnels.

Or, à ceux qui doivent donner l’exemple, l’exemple vient d’être donné, et de si haut ! C’est à coup sûr l’Église qui a contre le gouvernement actuel les griefs les plus graves, et il semblait que la conscience des catholiques leur interdit tout accord avec leurs persécuteurs. Tandis qu’ils hésitaient sur leur voie, une lumière