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apportait aux intérêts des politiciens. Ils crurent concilier tout en offrant aux monarchistes place et en réservant aux républicains les places. On accueillit donc l’enfant prodigue, mais sans tuer pour lui le veau gras. Des membres du cabinet déclarèrent que, s’il convenait de ne pas tenir rigueur aux conversions, il convenait surtout de ne pas faire tort aux persévérans, aux éprouvés, aux sûrs. Le navire avait son équipage et ses chefs, il était prêt à prendre à bord des passagers, mais sans qu’ils missent la main aux manœuvres et au gouvernail. Et, tant le parti monarchique était peu intraitable, il ne se montra ni rebuté, ni surpris même de ces hauteurs, de la condition subalterne où on le voulait réduire. Il n’avait pas attendu plus qu’il ne lui était offert, et trouvant dans cette rigueur matière à gratitude, il répondit comme le Philoctète blessé à Télémaque : « Jette-moi à la proue, à la poupe, dans la sentine même, partout où je t’incommoderai le moins. « Il semblait que si peu d’exigences ôtassent au gouvernement le moyen de refuser la paix. Et l’on crut un instant qu’elle était proche.

C’est alors que les chambres reprennent séance, et c’est la guerre qu’elles apportent. En France les catholiques ne fournissent pas de prises, à Rome éclate le scandale du Panthéon. Sous prétexte qu’un pèlerin resté introuvable a écrit sur le tombeau de Victor-Emmanuel une insulte dont le texte n’est pas produit, nos nationaux sont durant deux jours insultés, maltraités par la populace et obligés de quitter Rome. Le tout a l’apparence d’un guet-apens et une seule injure est certaine, celle qui a été faite au nom français. Qu’importe aux chefs du parti républicain : contre des catholiques, l’Italie ne saurait avoir tort, et contre les républicains le ministère n’ose avoir raison. Plus libre, un archevêque pense que les ministres ont failli à la dignité et le leur écrit sans courtoisie. Avec quatre lignes d’un homme Richelieu ne s’engageait à pendre que le signataire : la lettre d’un prélat suffit aux républicains pour condamner toute l’Église, et la disproportion entre l’importance de ce document et la gravité des craintes qu’ils affectent prouve le concert et la mauvaise foi. La société civile est menacée ; aux armes contre la théocratie ! C’est à qui portera les premiers coups ; malgré le poids des ans, le sénat devance la chambre, et le cabinet, compromis par sa complicité d’un jour avec l’apaisement, se réhabilite par la violence de la rupture. Et des interpellations, des discours, des votes se dégage une nouvelle doctrine d’État : toutes les mesures contraires aux catholiques, dont ils demandent l’adoucissement ou l’abrogation, sont intangibles, et deviennent sacrées précisément parce qu’elles sont inacceptables aux catholiques. Non-seulement elles dureront, mais, si malgré tout ils se