Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/492

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gens de dix-huit à vingt-quatre ans achèvent de former leur esprit et leurs opinions ; c’est alors que, déjà libres et presque mûrs, ces prochains occupans des carrières actives, juste au moment d’entrer dans la vie pratique, ébauchent leurs premières idées générales, leurs vues d’ensemble encore troubles et demi-poétiques, leurs conclusions prématurées et anticipées sur la nature et sur l’homme, sur la société et les grands intérêts humains.

Si l’on veut qu’ils atteignent aux conclusions vraies, on devra leur préparer beaucoup d’échelles, et des échelles solides, convergentes, chacune avec sa série continue d’échelons superposés, chacune avec l’indication de sa portée totale, chacune avec la mention expresse de ses barreaux manquans, ou douteux, provisoires, simplement futurs et possibles, parce qu’ils sont en cours de fabrication ou d’essai. — En conséquence, on rassemblera dans un lieu circonscrit et dans des bâtimens rapprochés, non-seulement les professeurs qui sont les porte-voix de la science, mais encore les collections, laboratoires et bibliothèques qui en sont les outils ; de plus, outre les cours ordinaires et réguliers, il y aura des salles et des heures, avec pleine liberté et faculté d’enseigner, pour tout homme pourvu de savoir et d’initiative, qui, ayant quelque chose à dire, voudra dire cette chose à qui voudra l’écouter. On constituera ainsi une sorte d’encyclopédie orale, une exposition universelle des connaissances humaines, exposition permanente, incessamment renouvelée et tenue à jour, où, les visiteurs, ayant présenté comme billet d’entrée un certificat d’instruction moyenne, verront de leurs yeux, outre la science faite, la science en train de se faire, outre les découvertes et les preuves, la façon de découvrir et de prouver, c’est-à-dire la méthode, l’histoire, le progrès, la place de chaque science dans son groupe, et de ce groupe dans l’ensemble. Grâce à l’extrême diversité des enseignemens, il y aura place et emploi pour l’extrême diversité des intelligences ; les jeunes esprits pourront eux-mêmes choisir leur voie, s’élever aussi haut qu’ils en auront la force, grimper dans l’arbre de la science, chacun de son côté, par son échelle, à sa guise, en passant tantôt des branches au tronc, tantôt du tronc aux branches, tantôt d’un rameau lointain à une branche maîtresse et de là, au tronc.

Et de plus, grâce à la coordination des enseignemens bien classés, il y aura, pour chaque cours, voisinage et proximité de ses tenans et aboutissans naturels ; les jeunes gens, entre eux, pourront en causer et s’enquérir, l’étudiant en sciences morales auprès de l’étudiant en sciences naturelles, celui-ci auprès de l’étudiant en sciences chimiques ou physiques, celui-ci auprès de l’étudiant