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confier le pouvoir exécutif à un corps ainsi composé ; un conseil fédéral avec des attributions aussi limitées ne pouvait être que d’une utilité douteuse, mais il exercerait fatalement une action gênante sur le développement politique des colonies dans le sens démocratique. Sir Henri Parkes refusa donc obstinément d’engager la colonie mère à reconnaître le conseil fédéral de Hobart, attendant une occasion favorable pour s’adresser à l’opinion publique et faire comprendre aux électeurs non-seulement dans la Nouvelle-Galles du Sud, mais indirectement dans les autres provinces, la nécessité d’une fédération constituée sur une base inattaquable.

Conscient de l’existence d’un sentiment nouveau grandissant rapidement au milieu d’une population qui devient de moins en moins européenne et de plus en plus australienne par le fait seul de l’excédent des naissances, il voyait avec des yeux de prophète l’avenir réservé à cette nouvelle nationalité, à la consolidation de laquelle il s’était voué tout entier. La visite d’un officier-général anglais, venu pour étudier l’organisation militaire des différentes colonies, lui offrit l’occasion qu’il cherchait, et, en appelant l’attention générale sur la faiblesse des moyens de défense dont chaque province disposait, il fit comprendre à tous la nécessité d’une action uniforme et unanime au point de vue de leur défense mutuelle. Mais une organisation militaire fédérale ne pouvait être créée sans l’existence antérieure d’une organisation politique fédérale complète. Pour bien comprendre la portée de la pensée de sir Henri Parkes, il faut d’abord savoir que l’Angleterre n’exerce aucun contrôle sur la défense militaire des colonies australiennes ; elle se contente de pourvoir à la police des mers et à la protection de ses propres intérêts commerciaux, ce qui entraîne par le fait la défense navale de ses colonies. Mais cette branche du service n’est même pas sous le contrôle absolu de l’amirauté anglaise, car les colonies sont parties contractantes à un arrangement connu sous le nom de l’Australian naval force act of 1887. Par cette convention, l’Angleterre s’est engagée à augmenter ses forces navales sur la station des mers australes et du Pacifique occidental, à la condition que les colonies paient un subside annuel pour l’entretien de cette force auxiliaire dont le commandement reste entre les mains de l’amiral anglais chef de la station du Pacifique occidental. La plupart des grandes colonies possèdent en outre l’embryon d’une marine militaire locale directement contrôlée par leurs autorités respectives.

Quant à la défense militaire, elle est absolument indépendante de toute influence étrangère. Il n’y a pas un seul soldat anglais