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manière d’opérer, mais avec des fermiers instruits et expérimentés, des cultivateurs cultivant eux-mêmes leurs terres, et ils nous ont dit que nous étions entièrement dans le vrai au sujet des économies et des bénéfices qu’on pourrait réaliser par les moyens que nous indiquons, que c’est ainsi, en effet, que l’élevage devrait être pratiqué. Des calculs détaillés que nous avons faits avec eux, il résulte que pour un élevage de 120 chevaux, il faudrait 185 hectares, dont 25 en prairies, 10 en terrain d’exercice et d’entraînement et 150 en culture, ce qui permettrait à la ferme de subvenir entièrement à ses propres besoins et à ceux de l’élevage en réalisant de son côté un bénéfice annuel de 7,000 francs.

Si les grands établissemens d’élevage avaient une installation convenable pour faire au moins quelques expériences, on reconnaîtrait bientôt qu’il y a un grand avantage à faire rentrer les chevaux tous les soirs en toutes saisons et aussi dans la journée par les grandes chaleurs et les mauvais temps pour leur faire le pansage, visiter leurs membres, remédier en temps utile aux défauts d’aplomb, aux maladies, etc., et que les animaux acquerraient ainsi beaucoup plus de valeur.

Quand il est temps de commencer le dressage, il faut que la direction en soit confiée à des hommes capables : « Il y avait autrefois, dit La Guérinière, des personnes préposées pour exercer les poulains au sortir des haras, lorsqu’ils étaient encore sauvages. On les appelait cavalcadours de bardelle[1] ; on les choisissait parmi ceux qui avaient le plus de patience, d’industrie, de hardiesse et de diligence, la perfection de ces qualités n’étant pas si nécessaire pour les chevaux qui ont déjà été montés ; ils accoutumaient les jeunes chevaux à souffrir qu’on les approchât dans l’écurie, à se laisser lever les quatre pieds, toucher de la main, à souffrir la bride, la selle, la croupière, les sangles, etc. Ils les assuraient et les rendaient doux au montoir. Ils n’employaient jamais la rigueur ni la force qu’auparavant ils n’eussent essayé les plus doux moyens dont ils pussent s’aviser et, par cette ingénieuse patience, ils rendaient un jeune cheval familier et ami de l’homme, lui conservaient la vigueur et le courage, le rendaient sage et obéissant aux premières règles. Si l’on imitait à présent la conduite de ces anciens amateurs, on verrait moins de chevaux estropiés, ruinés, rebours, roides et vicieux. »

Depuis que l’illustre créateur de la science hippique moderne a donné ces sages instructions, on n’en a guère profité, et les entraîneurs anglais, en voulant s’affranchir de toutes les théories qui s’étaient si lentement dégagées des travaux des maîtres, nous ont

  1. Bardelle, selle faite de grosse toile et de bourre.