Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA CORRESPONDANCE DU MARGRAVE
CHARLES-FREDERIC DE BADEN
AVEC
LE MARQUIS DE MIRABEAU ET DUPONT DE NEMOURS

Charles-Frédéric, devenu, en 1746, margrave régnant de Baden-Durlach, son patrimoine, auquel il ajouta, en 1771, le margraviat de Baden-Baden, tombé en déshérence, fut un de ces princes bienfaisans et philanthropes qui firent honneur à la philosophie du XVIIIe siècle. Dans sa jeunesse, après avoir étudié deux ans à l’Académie de Lausanne, il avait visité la France, l’Italie, les Pays-Bas, l’Angleterre, observant, questionnant beaucoup et toujours en quête de réformes utiles à introduire dans ses petits États. Ce prince, d’un cœur très humain et d’un esprit très ouvert, ne méprisait rien ; mais l’agriculture était pour lui le premier des arts : — « Vers l’an 1750, a dit Voltaire, la nation, rassasiée de vers, de tragédies, de comédies, d’opéras, de romans, d’histoires romanesques, de réflexions morales plus romanesques encore et de disputes théologiques sur la grâce et sur les convulsions, se mit enfin à raisonner sur les blés. » — Le margrave s’intéressa vivement à ces discussions. Plus tard, il se passionna pour Quesnay et sa doctrine, pour ce qu’on appelait « la haute science. » Comme les physiocrates et les anciens Perses, il pensait que les trois choses les plus agréables à Dieu étaient de planter un arbre, de tenir le manche d’une charrue et de faire un enfant.

Disciple aussi ardent que docile, il ne se contentait pas de croire, il voulut propager sa foi. Il composa, pour l’instruction de ses fils, un Abrégé de l’économie politique, qu’il envoya au marquis de Mirabeau et qui