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On trouve dans le Figaro du 27 décembre 1887 l’anecdote suivante : « Une matinée bien curieuse et bien intéressante a été donnée avant-hier, rue de Longchamp. Les petits sourds-muets, que Mme Houdin, leur institutrice, parvient à faire parler, se sont surpassés. Ils ont joué une comédie enfantine en deux actes, l’Arbre de Noël, au milieu de l’attendrissement de leurs familles et de leurs amis. »

Dans une de nos visites à l’institution de la rue Saint-Jacques, nous avons eu, avec un élève de septième ou de huitième année, âgé d’environ dix-huit ans, la conversation suivante : « De quel pays êtes-vous, mon ami ? — Je suis de Nevers. — Dans quel département est Nevers ? — Dans la Nièvre. — Quel est le fleuve qui coule à Nevers ? — La Loire. — Je connais Nevers. — Ah ! monsieur, vous y êtes allé. Pourquoi faire ? — Pour inspecter le collège. — Avez-vous été content ? — Très content ; j’ai même envoyé un livre aux élèves. — Ah ! comme témoignage de satisfaction ? — Précisément. » Nous pourrions citer d’autres exemples. Nous pourrions surtout insister sur la joie que témoignent ces jeunes gens quand ils reconnaissent un visage ami, sur l’émotion qui se peint dans leurs yeux quand on leur sourit, quand on leur serre la main, quand on leur parle avec affection. — « Il est bon ! il est bon ! » s’écriait un d’eux en montrant de la main le visiteur qui leur promettait son retour. Et celui-ci, touché, embrassa le jeune homme.

Nous voudrions que cette étude où nous avons cherché, avant tout, à être exact et complet, eût pour résultat d’appeler l’attention sur l’œuvre si intéressante et si belle de l’Institution nationale. Nous voudrions qu’en mettant en lumière le dévoûment des hommes qui l’ont créée et de ceux qui travaillent à ses progrès, elle fit rejaillir une part de cette gloire sur la France entière. Car il ne faut pas oublier que c’est la France qui, avant toutes les autres nations de la terre, a ouvert une école publique de sourds-muets, celle de l’abbé de l’Épée ; que c’est à la France aussi que revient l’honneur d’avoir créé, par les soins du grand philanthrope Valentin Haüy, la première école publique de jeunes aveugles.


F. DELTOUR.