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IV

Il nous reste à parler de la partie professionnelle et artistique de l’enseignement des sourds-muets et des soins intelligens qui président à leur développement physique et à l’affermissement de leur santé.

Nous avons déjà vu les enfans préparés pendant quatre ans par des exercices manuels à cet enseignement professionnel, qui, à la sortie de l’école, assurera aux pauvres, c’est-à-dire au plus grand nombre, le moyen de gagner leur vie, et sera pour les riches un agréable passe-temps, quelquefois même la préparation d’une carrière artistique.

Nous avons énuméré plus haut les six métiers qu’on leur enseigne ou plutôt qu’on leur montre ; cette expression, souvent employée pour l’apprentissage des professions manuelles, est particulièrement juste quand il s’agit des sourds-muets qui s’instruisent surtout par les yeux et par le toucher. On aurait pu étendre la liste de ces métiers, car, pour tout travail qui ne demande pas le sens de l’ouïe, le sourd, quand il est bien constitué en dehors de son infirmité spéciale, est l’égal des autres hommes ; il les dépasse même souvent par l’acuité de la vue et la finesse du toucher, comme si la Providence avait voulu compenser ainsi ce qu’elle lui a enlevé sous d’autres rapports. Mais on a choisi sagement les métiers qui peuvent s’exercer à la fois à la ville et à la campagne, surtout à la campagne, qui s’accommodent, suivant les circonstances, à la vie d’atelier et au travail isolé. D’autre part, une certaine variété était nécessaire à cause de la diversité des aptitudes et des chances ultérieures de placement.

L’administration tient compte du goût des élèves et du désir des familles, qui ont souvent des raisons particulières pour choisir tel ou tel métier. Mais elle se réserve toujours la décision en dernier ressort. En effet, comment destiner à la typographie un sujet arriéré dans ses études intellectuelles ? Comment faire un sculpteur ou un lithographe de celui qui est mal doué pour le dessin, de celui qui a de mauvais yeux et dont ces professions compromettraient la vue, sens d’une importance capitale pour ces malheureux ? On évite aussi, autant que possible, de faciliter l’immigration dans les grandes villes des jeunes gens dont les familles habitent la campagne ou les côtes. Faire du fils d’un laboureur ou d’un pêcheur un ouvrier de ville, c’est risquer de faire un vagabond.

La menuiserie, la cordonnerie, le jardinage sont les métiers les