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mais une fine bonhomie au service d’un patriotisme intelligent, des moralités politiques glissées en clignant de l’œil sous une forme ingénue et savante néanmoins, un tour vif à la Henri Heine, Heine, le poète préféré de M. Reitz, avec Horace et La Fontaine ; de petits vers à l’emporte-pièce d’un lettré qui se déguise en paysan du Danube. Dans la pièce intitulée : un Patriote, il nous crayonne, sans avoir l’air d’y toucher, le portrait le plus exact, le plus drôle du boer vieux jeu, ultrapiétiste, réactionnaire, celui qui chique encore à l’église. Oncle Tys ne perd pas un prêche ; il lit dans le « Livre, » l’Écriture, matin et soir ; mais il veut un psautier avec « notes : » tout psautier sans notes lui semble bon à brûler. Sa Bible est d’une certaine impression fort ancienne : les modernes ne valent rien. Il a horreur des nouveautés dans l’église, l’école, l’État et dans la mode. Ses enfans apprennent le solfège ; des leçons d’anglais, il n’en faut pas. Il défend la constitution et prononce consistumie ; il est même libéral à sa manière, pour lui, pas pour les autres. Impôts, péages, contributions directes, tout ce qui l’oblige à bourse délier, ce sont à ses yeux, depuis fort longtemps, fâcheuses innovations. Surtout ne lui parlez point de chemins de fer. Il appelle des domestiques hottentots ou cafres u de la marchandise noire, » comme au temps de l’esclavage. Malade, il refuse de mander un médecin et préfère les remèdes de bonne femme. Au surplus, « tante Saar, » digne épouse d’oncle Tys, partage invariablement les opinions, répugnances, goûts et tendances quelconques de son mari : elle a pour rôle de l’écouter, de l’approuver, de lui donner des fils, de préparer le café dès l’aurore et d’apprêter des « carbonades. » Voilà ce que c’est qu’un patriote. Voulez-vous savoir ce qu’est le contraire ?

« Mon enfant, si tu veux le savoir, c’est bien simple. — Qui rougit de son pays et de sa nation, — Qui en plaisante sans vergogne, — Celui-là n’est pas un patriote.

« Tu connais le petit Boos ? Il se fait appeler, à l’anglaise, — Jimmy, mais son vrai prénom, c’est Koos. — Il prétend qu’on rirait de Koos Boos. — Celui-là n’est pas un patriote.

« Comme oncle Tys, il va au prêche, — Du moins quelquefois, je l’ai remarqué. — En sortant il dira : Excellent sermon ! — Et pourtant ce n’est pas un patriote.

« Il apprend le latin, c’est un homme cultivé. — Les boers ignorans lui sont insupportables ; — Il ne veut avoir rien à démêler avec ces gens-là. — Jimmy n’est pas un patriote !

« Nous en avons plus d’un comme cela, — Dont le savoir passe la raison. — Renier son pays et trahir son sang, — Ce n’est pas d’un vrai patriote. »