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Sans doute, aux États-Unis, quoique le système du gouvernement soit essentiellement représentatif, les constitutions des États particuliers ne peuvent être amendées que par le peuple lui-même. Il est encore vrai que le peuple n’intervient pas seulement dans la réforme des constitutions particulières et que si, dans plusieurs États de l’Union, les cours suprêmes ont annulé comme inconstitutionnels et révolutionnaires de simples actes législatifs subordonnés à la sanction populaire, plusieurs constitutions, comme celles de l’Illinois, de la Caroline du Nord, du Wisconsin, d’Iowa, d’Ohio, du Kansas, du Michigan, dérogeant à cette règle, permettent ou prescrivent le recours au peuple dans certains cas, par exemple lorsqu’il s’agit d’imposer aux citoyens une charge exceptionnelle ou d’autoriser des banques de crédit. Mais il est facile de concilier cette intervention du peuple souverain avec le mécanisme d’institutions qui impliquent l’entière souveraineté du peuple.

Le referendum suisse est plus connu[1]. Nous ne parlons pas ici du referendum obligatoire que pratiquent les cantons de Zurich, de Berne, de Schwytz, de Soleure, des Grisons, d’Argovie, de Thurgovie, du Valais et le demi-canton de Bâle-campagne[2]. On sait que, dans ces États, les lois, ou du moins un certain nombre de décrets législatifs, n’entrent pas en vigueur avant d’avoir été ratifiés expressément : une votation populaire intervient sur tous les objets que la constitution ne place pas dans la compétence exclusive du grand-conseil, et le recours au peuple a lieu de plein droit sans qu’une fraction du corps électoral le réclame. Il est impossible de découvrir la moindre analogie entre ce referendum cantonal obligatoire et la nouvelle prérogative que le cabinet belge entend conférera la royauté. C’est seulement au referendum facultatif, et, pour abréger, au referendum fédéral qu’il y a lieu de comparer le projet actuel de referendum.

En effet, si le referendum est obligatoire en Suisse toutes les fois qu’il s’agit de réviser la constitution fédérale elle-même et si la nouvelle disposition constitutionnelle n’est définitivement adoptée qu’après avoir rallié tout à la fois la majorité dans le pays entier et la majorité des cantons, tout autre referendum fédéral est purement facultatif : — « Les lois fédérales sont soumises à l’adoption ou au rejet du peuple, dit la constitution, si la demande en

  1. Voir, sur le referendum en Suisse, une très intéressante brochure de M. Simon Deploige, avocat, précédée d’une lettre par M. J. van don Heuvel, professeur à l’Université de Louvain ; Bruxelles, 1892.
  2. Le referendum cantonal est au contraire, facultatif dans les cantons de Lucerne, de Zug, de Schaffhouse, de Saint-Gall, de Vaud, de Neufchâtel, de Genève et dans le demi-canton de Bâle-ville.